OL - Mercato : économiquement viable et bien géré

En recrutant jeune et à des prix abordables, l’Olympique lyonnais a confirmé sa stratégie économique. En France, celle-ci apparaît comme la plus pérenne.

Jean-Michel Aulas peut être satisfait. En recrutant six joueurs lors de ce mercato, qui semble terminé du côté des arrivées, l’Olympique lyonnais s’est montré particulièrement actif. Avec 38,5 millions d’euros dépensés cet été, l’OL n’avait plus autant investi depuis 2009 et un mercato record à 72 millions d’euros. A cette époque, Lyon n’avait recruté que quatre joueurs, surpayant Aly Cissokho (15M€) ou Michel Bastos (18M€), au-delà de Bafétimbi Gomis (15M€) et Lisandro Lopez (24M€) qui ont réussi leur passage entre Rhône et Saône. En vendant pour 100,8 millions d’euros, le club de la capitale des Gaules s’est donné les ambitions de ses moyens. Propriétaire de son stade, meilleur club formateur de l'Hexagone et auteur de grosses plus-values, le septuple champion de France s’appuie sur un modèle économique unique, qui apparaît aujourd'hui comme le plus pérenne en Ligue 1. Analyse.

L’avantage de recruter jeune

Pour savoir s’il a flairé les bon coups, l’Olympique lyonnais devra attendre de voir les performances de ses nouveaux joueurs sur le terrain. Économiquement, au moins, l’OL semble avoir réussi son mercato. Au-delà de Marcelo (30 ans), le club de capitale des Gaules a recruté jeune cet été. Ferland Mendy (22 ans), Bertrand Traoré (21 ans), Kenny Tete (21 ans) et Mariano Diaz (23 ans) sont ainsi arrivés. Fernando Marçal (28 ans) est quant à lui dans la force l’âge. Pour des prix abordables, Lyon a globalement misé sur la jeunesse cet été. Pas sans raison. « Pour un entrepreneur, un joueur de foot  doit être considéré comme un capital qu’il peut faire valoriser. Le jeune, par définition, est un diamant brut qui n’a pas encore été taillé, donc il va forcément coûter moins cher que le joueur expérimenté. C’est un pari sur investissement mais il peut en retour le valoriser, le faire jouer et réaliser une plus-value à la revente », analyse Pierre Rondeau, économiste du sport et auteur du livre Coût Franc. Si l’on excepte un ovni comme Kylian Mbappé, ce raisonnement se vérifie puisque le septuple champion de France n’a pas misé plus de 10 millions d’euros sur un de ses nouveaux arrivants (10M€ pour Bertrand Traoré). Et pourra peut-être faire fructifier ses investissements dans quelques années.

Alors que l'Olympique lyonnais avait offert environ 6 millions d’euros bruts par saison à Mathieu Valbuena en 2015, il a pu observer que recruter jeune avait aussi des avantages au niveau du salaire. « A tous les niveaux le jeune est moins cher. Des études de Richard Duhautois et Bastien Drut [Sciences sociales football club, NdlR] ont montré que 49% de la rémunération du joueur était expliquée par des variables extra-sportives, avance Pierre Rondeau, qui détaille. Celles-ci sont la notoriété, les passages dans la presse notamment people, le nombre de followers sur les réseaux sociaux, la renommée médiatique... N’importe quoi sauf le sport. Le jeune ne possède pas encore ces 49%. Son salaire sera donc plus faible que le joueur expérimenté, connu et disposant d’une certaine renommée. » Pour preuve, aucune des nouvelles recrues ne possède plus d’un million de followers sur Instagram ou Twitter, par exemple.

Des offres irrefusables

Renforcé par l’arrivée de six nouveaux joueurs, l’OL a aussi perdu deux éléments clés cet été avec les départs d’Alexandre Lacazette et Corentin Tolisso. Formés au club, les deux Gones ont très bien été vendus. L’attaquant est parti à Arsenal pour 53 millions d’euros (plus 7M€ de bonus), ce qui va permettre de continuer à rembourser le stade, tandis que les 41,5 millions d’euros (auxquels pourront s’ajouter 6M€ de bonus) dépensés par le Bayern Munich pour s’attacher les services du milieu de terrain, ont en partie été réinvestis sur le recrutement. L’Olympique lyonnais n’avait pas d’autres choix que d’accepter de les vendre. « Des offres comme pour Corentin Tolisso et Alexandre Lacazette ne peuvent pas se refuser. Un club comme Lyon peut garder ses joueurs pour espérer monter sportivement, mais sauf que pour espérer monter sportivement il faut de l’argent, commente Pierre Rondeau. Si un autre club propose 60 millions d’euros, c’est difficilement refusable. Le risque c’est que demain Lacazette reste à Lyon avec un gros salaire, sous-performe, se blesse et ne joue plus aussi bien qu’avant. Sa valeur va diminuer et l’OL sera passé à côté d’une vente probable de 60 millions d’euros. » Pour Lyon, c’était maintenant ou jamais.

Un modèle unique en France

Jean-Michel Aulas n’a eu de cesse de le répéter depuis le début du mercato : cet été l’Olympique lyonnais a pris un nouveau virage. Son effectif a d'abord été grandement renouvelé et affiche 23,1 ans de moyenne d’âge, le deuxième le plus jeune de Ligue 1. Surtout, son club s’est davantage tourné vers l’extérieur, considérant toujours son centre de formation comme capable de lui fournir des joueurs d’exception. En atteste le refus du président lyonnais de recruter un attaquant ou un milieu de terrain supplémentaire pour laisser éclore Amine Gouiri, Myziane Maolida, Willem Geubbels et Christopher Martins Peirera. Un mercato géré d’une main de maître.

« Économiquement le mercato de l’OL est pour l’instant viable. Ils ont respecté le fair-play financier, ils n’ont pas dépensé plus que ce qu’ils ont gagné. Les prix mis sur les joueurs achetés semblent corrects.  Ce sont en plus des joueurs qui viennent de Chelsea ou du Real Madrid, ça prouve que Lyon négocie avec les plus grands et que c’est un acteur important sur le marché européen », lance Pierre Rondeau. Comme Monaco, Lyon va désormais espérer profiter du talent de ses recrues pour pouvoir les revendre au prix fort dans quelques années. Mais à l’inverse du club de la Principauté, les Rhodaniens disposent de bien plus de garanties financières. « Je pense que Lyon va rentrer dans une logique de modèle unique, indique l’économiste du sport. Entre, à la fois maintien d’un système de formation et de plus-value, mais aussi de génération d’argent et de bénéfice sur la billetterie. Ça pourra lui permettre de maintenir une comptabilité dans le vert, tout en gardant cette qualité dans la formation. L'OL pourra aussi acheter des joueurs expérimentés avec l’argent émanant des plus-values et du stade. »

En attendant de voir si Florian Maurice a bien flairé le potentiel sportif des nouveaux visages lyonnais, Jean-Michel Aulas doit se satisfaire du retour au premier plan de son club. Après les années de vaches maigres dues à la construction de son nouveau stade, l’Olympique lyonnais se distingue de ses autres concurrents en Ligue 1. « L’avantage de Lyon c’est qu’à la fois ils associent ce modèle de plus-value sur la revente avec des jeunes joueurs formés au club ou achetés quand ils étaient inconnus, et derrière s’ils ne tombent pas au cours d’une année sur la perle rare qui leur permet de faire une plus-value de 300 à 400%, ils ont quand même le stade. A mon sens c’est l’un des meilleurs modèles économiques français parce qu’on a une certitude », souligne Pierre Rondeau. Si l’OL ne sera jamais capable de dépenser 222 millions d’euros pour un seul joueur, il peut au moins se rassurer en se disant que son modèle est appelé à durer. « On met en avant Paris mais si les Qataris se retirent c’est fini. On met aussi en avant Monaco, mais c’est à la fois le monopole fiscal et les investissements russes, si on leur retire ça c’est pareil ils n’ont plus rien, souffle l’économiste du sport. Le modèle de l’OL est le plus pérenne. » En cédant 20 % de son capital au groupe chinois IDG contre 100 millions d’euros, Lyon s’est aussi donné le droit de profiter de l’argent venant d’investisseurs étrangers tout en gardant un contrôle total.