Jean-Claude Nadon : « Très fier d’avoir porté six fois le maillot de l’OL »

Portier emblématique du LOSC dans les années 1990, le natif de Saint-Avold (Moselle) a terminé sa carrière professionnelle à l’Olympique lyonnais en qualité de doublure de Grégory Coupet. A 53 ans, celui qui est aujourd’hui entraîneur des gardiens du RC Lens, se confie sur son aventure entre Rhône et Saône, qui n’aura duré qu’une saison. Entretien.

Olympique-et-Lyonnais : Jean-Claude, dans quelles circonstances arrivez-vous à l’Olympique lyonnais ?

Jean-Claude Nadon : J’étais en fin de contrat avec le Racing Club de Lens, club dont je portais les couleurs depuis le début de la saison 1996-1997. Jacques Santini, alors directeur sportif de l’OL m’a contacté pour que je rejoigne le club rhodanien pour occuper le rôle de deuxième gardien, derrière Grégory Coupet.

Vous arrivez à Lyon à 32 ans, avec 425 matchs professionnels derrière vous. N’était-ce pas trop dur d’être considéré seulement comme une doublure à ce moment-là ?

Je ne vais pas vous cacher que j’ai pris un sacré coup derrière la tête. Surtout qu’à 32 ans, j’avais encore quelques années devant moi. Mais je n’avais pas d’autre sollicitation en tant que gardien numéro 1 en Ligue 1. Et moi, je voulais absolument rester dans l’élite, du coup j’ai accepté l’offre de l’OL. Malgré mon expérience, je n’avais pas un rôle important dans le vestiaire car j’étais nouveau.

Comment caractérisez-vous votre relation avec Grégory Coupet ?

Notre relation a toujours été très bonne. Je pense que Greg vous dira la même chose si vous lui posez la question. La hiérarchie était claire quand je suis arrivé. Je n’ai jamais eu aucune envie de lui mettre des bâtons dans les roues. Il n’y avait aucune ambiguïté entre nous. On s’appréciait et c’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui.

« En tant que doublure, nous n’avons pas le droit à l’erreur »

Pourtant, en tant que deuxième gardien, on ambitionne secrètement de prendre la place du titulaire non ?

Il est vrai qu’en tant que compétiteur, on a toujours cette envie d’être sur le terrain. Mais je savais pourquoi j’avais signé ici et j’ai respecté mon engagement. Cela ne m’empêchait pas de m’entraîner toute la semaine comme si j’allais jouer le week-end. Pour garder le rythme, il n’était d’ailleurs pas rare que j’aille effectuer quelques piges en équipe réserve.

Quelle était votre vision de Grégory Coupet à l’époque ?

C’était un jeune gardien qui était arrivé l’hiver précédent à la suite des soucis de Pascal Olmeta. Il a eu une relation compliquée avec les supporters au début du fait qu’il venait de Saint-Etienne. Mais il était vraiment déterminé à réussir et le club lui faisait entièrement confiance. On a vu par la suite quel gardien il est devenu. Grégory Coupet a contribué à faire grandir l’OL. J’ai beaucoup de respect pour lui.

Comment considerez-vous ce rôle de second gardien ?

C’est un rôle spécial, loin d’être évident. On doit se tenir prêt à jouer ou prêt à rentrer si le gardien titulaire a un pépin. Pour un battant comme moi, cela gênerait de la frustration car on a toujours envie de jouer. En revanche, quand notre heure est venue, il faut être irréprochable car on n’a pas le droit à l’erreur. Déjà quand on est gardien, une erreur se paye cash mais quand on est gardien remplaçant, c’est encore pire ! Tout le monde attend que l’on soit au niveau du titulaire et nous, on veut bien faire pour montrer que l’on n’est pas bon qu’à être sur le banc. C’est la raison pour laquelle, il est indispensable de bien se préparer et de jouer quelques matchs avec l’équipe réserve pour garder le rythme de la compétition.

« Je garde un excellent souvenir de mon passage à l’OL »

Sur le plan collectif, l’OL réalise un exercice 1997-1998 très honorable avec une victoire en coupe Intertoto, une demi-finale de coupe de France et une sixième place en Ligue 1. Est-ce que se fut une bonne surprise de voir l’OL à ce niveau ?

Une surprise, non, car l’équipe était de qualité avec beaucoup de jeunes joueurs à gros potentiel comme Cédric Bardon, Joseph-Désiré Job, Frédéric Kanouté, Ludovic Guily ou Christian Bassila. Lors des entraînements, j’en ai bavé face aux attaquants (rires). Au-delà de la qualité, on avait vraiment un super groupe. Je pense que les objectifs de la saison ont été atteints. La doublette Bernard Lacombe/José Broissard était assez complémentaire au poste d’entraîneur. On a fait de beaux parcours que ce soit en coupe d’Europe et en coupe de France et notre sixième place en championnat était méritée. Par contre avec la coupe Intertoto débutée début juillet, la saison a été très longue.

Sur le plan personnel, votre rôle fait que vous n’avez disputé que six matchs. Quels souvenirs gardez-vous de votre aventure lyonnaise ?

Certes, je n’ai pas beaucoup joué mais je suis très fier d’avoir porté six fois le maillot de l’OL. A chaque fois, j’ai fait le maximum pour aider l’équipe et rendre la confiance que le club et mes coéquipiers avaient en moi. Je ne suis resté qu’un an mais Lyon a une place à part en moi car c’est avec le maillot lyonnais que j’ai disputé mon dernier match au niveau professionnel, c’était face à Bordeaux à Gerland (1-1). Honnêtement, je garde un excellent souvenir de mon passage dans la capitale des Gaules. La ville et la vie ici m’ont également beaucoup plu. Je n’ai aucun regret.

Même pas celui de ne pas avoir vécu un derby Lyon-Saint-Etienne, vous qui avez connu celui du Nord entre Lille et Lens ?

Il est évident que l’on a envie de vivre ce genre de match, mais je ne dirais pas que c’est un regret, le terme est un peu trop fort. Puis c’était de la faute de Saint-Etienne, qui n’était pas en première division (rires). Mais quand on voit l’engouement que génère ce match et l’ambiance pendant la rencontre, on a forcément envie d’y goûter. Après, il faut que ça reste du foot et qu’il n’y ait pas de débordements comme ce fut le cas dernièrement à Saint-Etienne. Ce sont des faits extra-sportifs qui nuisent à la fois à cette affiche mais aussi au football.

« Les gens ne peuvent pas concevoir qu’un gardien fasse une erreur »

Après seulement une saison passée à Lyon, vous quittez le club lors de l’été 1998. Pour quelles raisons ?

Je n’avais signé qu’un contrat d’un an donc je me suis retrouvé libre à l’issue de la saison. Je n’étais pas contre rester davantage mais sachant que je n’ai eu aucune discussion avec le club concernant une éventuelle prolongation, j’ai vite compris que je ne ferai pas de vieux os à l’OL. J’aurais aimé trouver quelque chose derrière car je n’avais que 33 ans. J’ai eu la possibilité de revenir dans un de mes anciens clubs, l’EA Guingamp, mais il y a eu trop de complications. Sincèrement, j’aurais souhaité une autre fin de carrière.

Finalement, vous rejoignez tout de même Guingamp en 2000 pour y entamer une nouvelle carrière d’entraîneur des gardiens. Vous avez ressenti la nécessité de rester dans le milieu du football ?

La nécessité, je ne sais pas, mais ma volonté première était de transmettre à la fois mon expérience mais aussi des méthodes de travail visant à s’améliorer. Le poste de gardien est en constante évolution. Maintenant, un portier est considéré comme le premier relanceur. Ainsi, il se doit d’être performant dans le jeu au pied. Dans les années 1990, il n’y avait pas vraiment d’entraîneurs des gardiens. Pourtant ce poste est aujourd’hui indispensable.

Actuellement, vous occupez toujours cette fonction mais au sein du RC Lens. Comment doit être un bon entraîneur des gardiens selon vous ?

Un entraîneur des gardiens est là pour faire progresser ses gardiens. Il doit leur apporter un vrai plus. Gardien est un rôle à part. On ne progresse pas si on n’a pas d’entraînements spécifiques. C’est important de faire des oppositions mais il y a le physique, la technique, le mental à travailler en amont. Nous avons également une mission importante qui est l’analyse des matchs, soit de la performance du gardien, soit des attitudes des adversaires. Le gardien doit prendre conscience des choses, que ce soit de ses progrès, de ses erreurs ou du jeu des joueurs adverses. Après, il y a le volet mental qui est important quand il traverse une période un peu compliquée. Nous devons l’accompagner et le soutenir. Les gens ne peuvent pas concevoir qu’un gardien fasse une erreur. Or, tout le monde fait des erreurs. Le plus important est d’en tirer les leçons pour mieux rebondir ensuite.

« Grégory Coupet possède toutes les qualités d’un bon entraîneur de gardiens »

Grégory Coupet, votre ancien coéquipier à l’OL, s’est également tourné vers ce rôle d’entraîneur des gardiens et va prendre la succession du monument Joël Bats, début 2018. Pensez-vous que c’est une bonne chose ?

A mes yeux, Grégory Coupet possède toutes les qualités pour réussir à ce poste-là. Puis il a été élevé à la bonne école avec Joël Bats. Son expérience au niveau international joue également en sa faveur. C’est une personne très respectée. Puis sa connaissance du club et des gardiens du club est également un atout.

Au cours de votre carrière d’entraîneur des gardiens, vous avez connu deux expériences à l’étranger puisque vous vous êtes occupé des gardiens tunisiens (2003) et puis au Qatar (2011-2012). Que retenez-vous de ces deux aventures ?

Je ne pourrais guère m’exprimer sur la Tunisie puisque ce fut très bref, donc pas forcément significatif. Je n’y suis resté que quelques semaines. En revanche, pour le Qatar, ce fut une expérience très enrichissante. J’étais dans le club d’Umm Salal, dans le staff technique de Gérard Gili. On ne va pas se mentir, le niveau des gardiens qataris est assez faible. Il est finalement à l’image de celui du championnat qui est équivalent à du CFA voire du CFA 2. Le Qatar n’est pas un pays de football mais les Qataris aiment le football et le beau football. C’est la raison pour laquelle, ils vont chercher des entraîneurs étrangers. Il y a quelques années, les entraîneurs français avaient le vent en poupe, désormais ce sont les entraîneurs brésiliens qui ont la côte.

Le Qatar a pour réputation de « bloquer » sur son sol certains ressortissants étrangers comme ce fut le cas pour certains entraîneurs français notamment. Avez-vous connu des complications de votre côté ?

Non aucune et très sincèrement, il n’y en a pas. Ce n’est pas parce qu’un entraîneur a eu, à un moment donné, des soucis, que c’est une vérité générale. Il n’y a aucun blocage, Gérard Gili vous le confirmera notamment.

« J’ai été surpris que le Qatar obtienne l’organisation de la coupe du Monde 2022 »

Comme vous l’avez évoqué, le Qatar n’est pas connu pour être une nation de référence dans le monde du football. Pour autant, ce pays a obtenu l’organisation de la coupe du Monde 2022. Qu’avez-vous ressenti lors de l’annonce de cette nouvelle ?

J’ai été surpris, comme beaucoup de monde finalement. Le Qatar représente l’équivalent d’un département français en termes de superficie. Les Qataris ont pris l’habitude de construire des stades de 40 000 ou 50 000 personnes mais l’affluence s’élève rarement au-dessus des 1000 spectateurs. Se pose aussi la question du climat. Je peux vous assurer qu’il est quasiment impossible de jouer en période estivale. L’hiver, en revanche, c’est plus probable. Il m’est même arrivé de me vêtir d’une doudoune au mois de décembre.

Revenons au présent. Suivez-vous toujours les résultats de l’Olympique lyonnais ?

Bien sûr, je suis avec attention les résultats de mes anciens clubs. Je n’ai pas encore eu l’occasion de venir au Groupama Stadium, j’espère donc secrètement une confrontation entre Lyon et Lens en coupe de France (rires). Le début de saison lyonnais me paraît plus que satisfaisant. Bruno Genesio a beaucoup été décrié mais il a su redresser la barre. En toute sincérité, je ne vois pas Lyon aller chercher le PSG mais c’est un candidat sérieux au podium et notamment à la deuxième place. En coupe d’Europe, les Rhodaniens ont également leur carte à jouer. Le tirage n’est pas aisé mais pour aller loin, il faut battre de grandes équipes.

En tant qu’ancien gardien, quelle est votre vision vis-à-vis d’Anthony Lopes ?

C’est un gardien que j’apprécie beaucoup. Il n’est pas très grand (1,84m) mais il compense par énormément d’explosivité. Il ne se pose aucune question. A mon époque, les « petits » gardiens comme moi (il mesure 1,80m, ndlr) étaient à la mode car les grands portiers étaient réputés pour avoir du mal à se coucher. Désormais, il est rare de trouver des gardiens qui mesurent moins d’1,90m… Anthony Lopes fait partie de ceux-là.

« Je me suis préparé à arrêter »

Comme évoqué précédemment, vous êtes en charge des gardiens du RC Lens depuis maintenant cinq ans. Quel regard portez-vous sur les difficultés du club nordiste à retrouver l’élite ?

La saison dernière, cela s’est joué à très peu de choses. D’ailleurs, je pense que la déception de la non montée n’a pas bien été digérée par le groupe, ce qui peut, en partie, expliquer nos contre-performances du début de saison. On ne va pas se leurrer, compte tenu de notre classement actuel (17e, ndlr), notre objectif premier est le maintien. Ce championnat de Ligue 2 est vraiment compliqué car les équipes sont très homogènes. Il n’est pas rare de voir un relégable battre un prétendant à la montée. Puis, nous, avec l’ambiance qui règne au sein du stade Bollaert, chaque équipe arrive surmotivée.

Vous avez aujourd’hui 53 ans. L’heure de la retraite va-t-elle bientôt sonner ?

Le football est ma passion et l’envie est toujours présente donc rien n’est acté pour le moment. Je profite chaque jour de faire ce que j’aime. Après, on me fera peut-être comprendre un jour qu’il est temps d’arrêter… En tout cas, je me suis préparé à cela.

Crédit photo : DR

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