OL – Mercato : Mammana, le transfert de la discorde

Le transfert d’Emanuel Mammana vers le Zenith Saint-Petersbourg a suscité une vague d’indignation de la part des supporters sur les réseaux sociaux. L’OL a fait une bonne opération financière mais a peut-être laissé filer le futur de la sélection argentine.

Tout est allé très vite. Trop vite. Vendredi, Bruno Genesio avouait à demi-mot ne plus compter sur Emanuel Mammana (21 ans). L’après-midi, le défenseur central était annoncé proche du Zenith Saint-Petersbourg. Une information confirmée par Jean-Michel Aulas le lendemain, jusqu’à ce que le transfert devienne officiel ce lundi. Entre-temps, le président rhodanien a eu l’occasion de se défendre face aux nombreuses critiques dont il a fait l’objet sur Twitter. Il en a aussi profité pour réitérer son soutien à son entraîneur. Sur le réseau social, les supporters lyonnais sont remontés et ne digèrent toujours pas d’avoir vu partir l’international argentin, qui ne s’est jamais imposé à Lyon. Prometteur, l’ancien joueur de River Plate pourrait aussi se perdre en Russie. Analyse d’un transfert qui divise.

Une réussite financière sportivement discutable

Débarqué de River Plate l’été dernier contre 7,5 millions d’euros, Emanuel Mammana a été revendu plus du double un an plus tard. En le cédant au Zenith Saint-Petersbourg, l’Olympique lyonnais a récupéré 16 millions d’euros dans l’opération. Une belle plus-value pour un joueur qui n’a joué que 24 matches toutes compétitions confondues avec l’OL (un but). Si le transfert est une réussite financière, il se discute davantage sportivement. S’il n’a jamais semblé être un titulaire indiscutable dans l’esprit de Bruno Genesio, le défenseur central a rarement déçu lorsqu’il a joué. Élégant, propre, doté d’une bonne qualité de passe et d’une bonne vision de jeu, l’Argentin a fait valoir ses qualités. Il semblait même avoir un effet bénéfique sur le club de la capitale des Gaules. La saison dernière, avec lui, Lyon a gagné 58,3 % du temps, sans lui ce ratio passe en dessous de la moyenne avec 45,1 % de victoires. En Ligue 1, même s’il manque encore de coffre, le désormais ex-Lyonnais a gagné 62 % de ses duels, a réussi 91 % de ses passes et n’a récolté qu’un seul carton jaune, le tout en 17 rencontres. « Mammana est peut-être une perte importante pour Lyon car il a une grand potentiel, mais on pourra s'avancer plus tard, en observant son l'évolution », nous confie Martín Blotto, qui couvre l’actualité de River Plate pour le quotidien argentin Olé.

Même avec une marge de progression importante, l’OL, avec six défenseurs centraux dans son effectif, ne pouvait pas se permettre d’attendre qu’Emanuel Mammana s’améliore encore un peu plus. « Quand on est entraîneur, président, dirigeant de club, il faut faire des choix et les assumer. Il faut prendre ses responsabilités et c’est ce qu’on a fait, a expliqué Bruno Genesio, ce lundi sur OLTV. On avait six défenseurs centraux, tout le monde est d’accord pour dire que c’est trop, et même beaucoup trop. Il y a eu une opportunité pour Emanuel, et on a décidé de la saisir. Ce sont nos choix, ce sont nos décisions, et on les assume. Le plus important c’est ce qui va se passer durant cette saison. » Elle devrait se dérouler avec Jérémy Morel titulaire en défense centrale, aux côtés de la recrue Marcelo. Un joueur auquel ne pouvait être associé l’international argentin selon l’entraîneur lyonnais. « Mammana est un petit peu en retrait par rapport à d’autres, l’associer avec Marcelo ça veut dire qu’il y en aura un des deux qui va jouer axe gauche. Sur ce que je vois, ni l’un ni l’autre ne correspondent à ce profil-là », avançait-il vendredi. Le nouveau joueur du Zenith Saint-Petersbourg l’a pourtant déjà fait. « Mammana a la capacité de jouer à n'importe quel poste de la défense centrale, il a déjà aussi évolué en tant qu’arrière droit », souffle Martín Blotto.

Un joueur réservé et pressé

Face à une impasse à l’OL, Emanuel Mammana à choisi de partir. Timide, réservé, l’Argentin ne s’est jamais vraiment adapté à Lyon. Très croyant, l’ancien joueur de River Plate a perdu sa mère à l’âge de 6 ans et son père à 15 ans. « C’est un joueur qui a perdu ses deux parents à l'adolescence et ça l'a beaucoup affecté. C'est sans doute pour ça qu’il est plus vulnérable que d'autres joueurs », souligne Martín Blotto. Peut-être moins fort psychologiquement que d’autres de ses anciens partenaires, il a donc préféré s’exiler en Russie, là où il s’est senti désiré. L’entraîneur du Zenith Saint-Petersbourg Roberto Mancini voulait absolument s’attacher ses services. « C’est un bon transfert pour lui, lance Federico Del Rio, également journaliste pour le quotidien sportif Olé. Le Zenith a confiance en la qualité de quelques jeunes joueurs argentins. Ils veulent gagner la Ligue Europa cette saison, c’est pour ça qu’ils ont aussi acheté Sebastián Driussi [21 ans, un attaquant prometteur de River Plate, NdlR] et sont sur le point d’accueillir Emiliano Rigoni [24 ans, un milieu de terrain du CA Independiente, NdlR]. »

Pour le défenseur central, ce départ a surtout été motivé par son envie de participer à la Coupe du monde, l’été prochain. Au contraire, dans un championnat moins exposé que la Ligue 1, l’ancien Lyonnais pourrait avoir amenuisé ses chances. « Je pense que le transfert de Mammana au Zenith est une étape logique pour lui, il n'a pas eu sa chance à Lyon. Mais en même temps c’est peut-être un peu précipité, je pense que son évolution aurait été plus grande dans le championnat français, glisse Martín Blotto, peu optimiste pour le défenseur. Ses possibilités de participer à la Coupe du monde avec l'Argentine peuvent considérablement diminuer, parce que la Russie est un championnat de niveau inférieur. » Lyon comme Emanuel Mammana n’avaient visiblement pas de temps à perdre.

Une décision collégiale

Emanuel Mammana officiellement parti, Jean-Michel Aulas devrait pouvoir faire refroidir son téléphone, sur lequel il n’a cessé de répondre aux supporters mécontents, depuis vendredi. « Les supporters sont respectables, mais ils n’ont pas tous les éléments pour juger. J’ai regardé, parlé, vu le rapport entre Bruno et les joueurs, le staff. Je ne le conserve pas par principe, mais par analyse, et j’ai un peu d’expérience... », a-t-il avoué ce mardi dans L’Equipe. Accusé de privilégier ses finances à la qualité sportive de son équipe, le président lyonnais a aussi assuré que la décision de vendre l’international argentin a été collégiale. En témoigne le communiqué de l’Olympique lyonnais au moment d’annoncer le transfert. « Gérard Houllier, Florian Maurice, Bruno Genesio et Claudio Caçapa ont décidé de ce transfert pour réduire pour l’instant à cinq le nombre de défenseurs centraux, tout en assurant la meilleure complémentarité de ce secteur et en pouvant compter en complément sur le jeune international luxembourgeois Christopher Martins Pereira », peut-on lire. Cela ne devrait pas calmer certains sceptiques qui menacent de ne plus venir au stade. Voilà bien longtemps que l’OL ne s’était pas justifié de la sorte pour le transfert d’un de ses joueurs. Avec Marcelo, Jérémy Morel, Mouctar Diakhaby et Nicolas Nkoulou en défense centrale, et en attendant le départ de Mapou Yanga-Mbiwa, le temps donnera raison ou pas aux décideurs lyonnais.