Interview exclusive - Après une première partie consacrée au début de saison réussie de l'OL Lyonnes, Ada Hegerberg a accepté de nous parler de son rôle de modèle dans ce football féminin qui veut grandir. Rien de mieux avant le choc contre Arsenal ce mardi en Ligue des champions.
Olympique-et-Lyonnais : votre parole est assez rare ces derniers mois, surtout en France. Y avait-il un besoin de se recentrer sur l'essentiel qu'est le terrain ?
Ada Hegerberg : Sur l'année dernière, il y a juste une seule chose à dire : c'était une déception et c'est passé désormais et heureusement. Personnellement, je me suis toujours concentrée sur ce que je peux faire, où je peux utiliser mon énergie. Je pense que c'est très important dans une carrière. Je peux me regarder dans le miroir et me dire, j'ai tout donné, tout le temps. Et c'est ça qui compte.
N'est-ce pas un peu frustrant des fois de se dire qu'on ne vous parle que de l'évolution du foot féminin et peut-être moins de jeu, de tactique ?
On peut le voir un peu différemment parce que c'est comme ça en fait. On est des joueuses de foot et il est impossible de ne pas parler de l'égalité aujourd'hui quand tu es une joueuse de foot. Donc, ça devient un sujet naturel à discuter. C'est vrai qu'on est moins médiatisés. De ce fait, toujours quand il y a quelque chose à dire sur le foot féminin, c'est souvent focalisé sur le manque d'égalité, les conditions. C'est moins basé sur le foot. Bien sûr, j'aimerais parler de foot tous les jours ou de la tactique ou du rôle d'une attaquante. Mais ce n'est pas la vérité des médias aujourd'hui.
Je sais qu'on a des rôles à jouer là-dessus aussi. Il y a eu des pionnières avant nous qui ont pris beaucoup la parole, mis beaucoup d'énergie pour porter le sport. Ça m'est tombé dessus un peu naturellement. Avec le temps, c'est quand même un challenge parce que tu as une femme qui parle. Il y a beaucoup de gens qui n'aiment pas voir une jeune femme parler et dire ses opinions. Donc, tu prends un peu des critiques. Mais j'ai toujours été très sereine avec mes valeurs, avec mes paroles. C'était une chose que j'ai comprise parce que c'est bien pour le sport et c'est bien pour celles qui vont venir après aussi.
"Les critiques font partie de la vie d'une joueuse"
Vous avez fait évoluer votre position par rapport à ça en prenant de l'âge ? Plus dans le contrôle ?
Les médias, c'est particulier. C'est très particulier. Mais c'est aussi important pour notre sport. C'est important d'avoir le média pour toujours faire le job, pour faire développer notre sport. Mais des fois, je trouve qu'on donne et on ne nous donne rien en retour. Et c'est dommage parce qu'on est là aussi pour aider, entre guillemets, les médias en étant disponible. Mais il y a plein d'interviews que j'ai faites juste pour aider au développement de notre sport, pas pour mon plaisir personnel. Ça, je peux vous le dire (rires).
Personnellement, vous avez subi pas mal de critiques dans les médias ces dernières années à cause des blessures, etc. Avez-vous mis en place des choses pour en pas vous laisser abattre ?
En fait, ça fait partie du métier d'être critiquée. Être footballeuse aujourd'hui, tu reçois les critiques. Et en fait, à la fin de la journée, tu te rends compte que ce qui compte, ce sont les opinions de ton coach, de tes coéquipières, de ton club, de ton président, de ta présidente, de ta famille et de tes proches. C'est ça qui compte. Il va toujours y avoir des critiques positives, négatives, mais ce n'est pas le plus important. C'est la vraie vie qui est importante. Ce que les gens pensent de toi au quotidien. C'est sur ça qu'il faut être focalisé. Ça doit être dur aujourd'hui d'être jeune.
J'ai essayé d'imposer ça un peu à l'équipe de Norvège aussi. Pensez bien, réfléchissez bien si vous voulez vraiment lire ce qui se passe pendant un tournoi, par exemple. Parce que ce qui compte, c'est ce que tes coéquipières pensent de toi. Et je pense que tu ne peux pas mettre trop d'importance là-dessus en étant athlète, car dans les bonnes et les mauvaises périodes, tu vas toujours être jugé, et c'est comme ça.
"Sans Michele Kang, nous ne serions peut-être plus là"
Est-ce que la part psychologique est plus importante qu'à vos débuts pour ne pas tomber dans les dérives que peuvent être les réseaux sociaux par exemple ?
Je pense que c'est déjà important d'avoir conscience. Est-ce que ça t'apporte quelque chose de bien ou est-ce que ça t'enlève de l'énergie ? Déjà, si tu commences à te poser des questions sur ta tête, qu'est-ce que je veux faire qui me ramène de l'énergie ? Si tu commences par là, je pense que tu vas déjà trouver beaucoup de réponses. Et oui, un coach mental, c'est important, c'est vraiment individuel, comment tu veux l'utiliser. Mais je pense que déjà, d'avoir la conscience sur ton mental, toi-même, et savoir qu'est-ce qui te rend heureux et qu'est-ce qui ne te rend pas heureux, c'est important. Après, tu prends des décisions par rapport à ça aussi.
Vous parliez de présidente tout à l'heure. Comment se passe la relation avec Michele Kang qui est fervente défenseuse de l'évolution du football féminin ?
Super. Heureusement qu'elle est venue. Est-ce qu'on aurait été là sans elle ? Je ne sais pas. Peut-être bien que non. C'est une sacrée femme. Ce qu'elle est en train de mettre en place, elle a envie de bouger les choses. C'est une femme dynamique, dans un monde assez fermé aussi. Dans le foot féminin, on est toujours dépendants des visionnaires dans un sens, des gens qui viennent et qui ont envie de faire bouger les lignes, comme Jean-Michel Aulas l'a fait pendant beaucoup d'années. Là on a Michele qui sort, qui a vraiment des ambitions. Il ny' a que du respect pour elle et ce qu'elle est en train de mettre en place. J'espère qu'on va pouvoir gagner la Ligue des champions pour elle également, et qu'on continue ce nouveau cycle lancé pour ce beau club.
"Si tu veux réussir, il faut foncer"
Le centre de performance à Meyzieu, jouer au Parc OL, ce sont des signaux forts qu'elle vous envoie pour performer et attirer du monde au stade...
Tout à fait. Finalement, c'est un job commun de faire développer ce sport. On espère que les autres aussi vont être inspirés par ça et qu'ensemble, tu puisses avoir beaucoup plus de personnes qui ont envie de faire bouger les choses. Ça ne se fait pas juste par une présidente. Ça se fait par plusieurs personnes qui ont envie de faire monter ce sport. On ne peut qu'aller de l'avant, je pense.
Ce n'est pas une débauche d'énergie trop dure à devoir toujours ressasser les mêmes messages ?
Non, parce que je suis chiante à l'entraînement tous les jours (rires). J'ai envie de gagner tous les jours. C'est naturel dans mon esprit par rapport au sport. Je pense que c'est fun ce qu'on fait. Franchement, on a suivi un développement qui a été assez fou. Je suis au club depuis onze ans et j'ai vu une évolution. J'ai vécu tellement de choses que je me dis qu'il n'y a que du fun à faire dans l'avenir.
Après, c'est chiant. Des fois, tu te dis qu'on fait deux pas en arrière. Mais, ça doit être fun aussi de pousser pour le changement. Il y a des gens qui n'aiment pas, d'autres qui croient à des choses, mais ça, c'est le cas partout. Il ne faut pas se sentir stoppé par ces gens-là. Si tu as envie de réussir dans la vie, il faut foncer, il faut tenter un peu. Et si tu tombes, vas-y, tu te relèves.
Merci O&L pour cet interview de notre Ada et merci à elle aussi de s'être ainsi confiée.
On sait combien le développement du foot au féminin prend une importante place dans sa carrière et l'arrivée à la tête du club de Michele Kang est en ce point une bénédiction. Toutes les deux mènent le même combat et l'osmose semble parfaite.
Il reste à leur souhaiter une pleine réussite dans cette nouvelle saison avec un couronnement européen de plus en plus difficile à aller chercher tant les autres clubs, notamment Anglais, ont pu progresser.
Merci O&L oui merci, c'est super et c'est cela que l'on aime aussi, dans le foot féminin, en général et dans les coulisses de nos Fenottes en particulier, ce qui nous a bien manqué ces derniers temps.
Je pense que Ada sera, toute sa vie durant, une femme très importante dans le foot féminin, elle le montre à chaque itw. Heureusement qu'il y a de telles personnes, Michèle Kang; Ada et quelques autres.
Et bonne chance aux "Lyonnes/Fenottes" pour cette saison. Elles ont débuté piano piano mais termineront, j'en suis sûr, fortissimo ! ♥️&💙
Très dur ton combat Ada ... en France les pontes qui s'installent aux commandes du football féminin savent qu'avec les féminines ils feront carrière et que ce public n'est pas virulent . LeGraet a été une exception car a force de s'emmerder dans son bureau il étendait son charme 😂sur des plus vulnérables , ....sinon il serait encore là.
Diallo on en parle même pas, Aulas sa mairie sera son prochain bébé, Nasser une image ternie par des féminines...jamais de la vie.
Reste a ce jour Arnault et miss Kang pour faire bouger les choses a la fédération , d'ailleurs une rencontre entre ces deux pourraient être intéressante au développement féminin , Kang a déjà pas mal donné pour son club.
Et à Montpellier maintenant, le club vient d'être racheté.
Malheureusement, lorsque l'on voit les premiers pas d'Arnault au PFC... Dès les premières conférences de presse, on pouvait se douter que les féminines ne seraient pas prioritaires. Et on n'a pu que le constater cet été, le PFC s'étant affaibli, perdant titulaires et une partie du banc, remplacées par des joueuses moyennes. Accrocher le barrage en UWCL serait déjà une grosse performance.
Seul l'OL maintient ce niveau élevé d'investissement, bien que tout ne soit pas bien fait (Montemurro, par exemple, et la réponse d'Ada à son sujet assez équivoque). Le PSG n'a eu cesse de s'affaiblir depuis 5 ou 6 ans, le PFC se maintient à un faible degré d'investissements qui leur permet cependant d'accrocher le podium, puisque derrière, personne n'investit.
Si l'on réfléchit un instant, le PSG avec le Qatar, et le PFC avec Arnault, devraient être 1000 lieues au dessus de l'OL, à tous les niveaux.
Quelle chance nous avons d'avoir cette jeune femme chez nous depuis 11 ans déjà !..
Une belle personne, en dehors du moule, attachée à ce sport, à ses valeurs encore présentes ,et à notre club de cœur.
Ada,on t'❤️ !
Merci O&L de lui donner la parole,elle le vaut bien...