Rémi Garde : “Je ne suis pas là pour me faire plaisir ou régler des comptes”

Dans cet entretien réalisé  le 27 mai dernier et publié dans le mensuel Lyon Capitale (juin 2013), Rémi Garde fait le point sur la stratégie du club rhodanien et livre sa vision du football.

Peut-on qualifier cette saison d’éprouvante ?

Rémi Garde : Oui, je pense. Celle d’avant l’avait été aussi. On avait commencé par le tour préliminaire de Ligue des champions, il y avait eu des passages à vide… Cette saison l’a été également, car les objectifs restent très élevés, avec des moyens moins importants. Cela peut créer par moments des tensions.

Vous aussi, on a le sentiment que vous avez pris de l’âge…

(Sourires.) Oui, pour moi aussi, il y a des moments pénibles. C’est valable dans beaucoup de métiers, ce n’est pas de tout repos. Je pense, bien aidé par mon staff, avoir fait front dans les situations délicates.

Quels sont les temps forts de cette saison ?

C’est toujours difficile de dégager un temps fort. Je dirais peut-être la reprise en main du groupe par le groupe lors du sprint final. Dans la difficulté, le groupe aurait pu exploser, ne pas réagir. Il y a eu des actions assez fortes de la part de certains, une prise de responsabilité malgré la jeunesse et l’inexpérience. Et c’est quelque chose d’encourageant pour la suite.

“L’OL a pris un virage important”

L’OL a réalisé un bon début de saison avant de connaître quelques difficultés en 2013. Comment faire pour retrouver la saison prochaine un jeu léché, une régularité au niveau du jeu proposé ?

Vous savez, un jeu bien léché, régulier, ça demande de grands joueurs. Je n’ai pas vu beaucoup d’équipes ces dernières années qui avaient un jeu léché sur la durée. On parle souvent de fond de jeu, mais derrière ce mot on peut mettre beaucoup de choses. Ce que je vois aujourd’hui, c’est qu’on est la 2e attaque du championnat, on a encaissé moins de buts que la saison passée (5e défense de L1). Bref, les chiffres parlent pour le style de l’équipe. Il faut savoir que, depuis deux ans, on n’a pas recruté d’attaquants, il y en a même qui ont été vendus, donc, si on prend ces informations mises bout à bout, on peut être plutôt satisfait de ce qu’on voit à Gerland depuis deux ans.

Vous n’avez pas hésité au cours de la saison à écarter quelques joueurs (Réveillère, Briand, Lovren). Cela a surpris. On s’est dit : Rémi Garde est un entraîneur capable de prendre des mesures fortes. Comment l’avez-vous vécu ?

Pour être franc avec vous, je n’ai pas tout lu, écouté, sur ce qui se disait à mon sujet. Je n’ai pas écarté des joueurs, pris des mesures pour prouver ou me prouver que je pouvais le faire. Je l’ai fait dans l’intérêt de l’équipe. Comme je le dis souvent aux joueurs, je ne suis pas là pour me faire plaisir ou régler des comptes. Mon rôle est d’essayer de prendre des décisions qui me semblent justes ainsi qu’aux yeux du groupe. J’évalue les joueurs tous les jours, j’ai un tas d’indices qui parfois peuvent échapper à l’environnement extérieur.

Le plus dur pour un entraîneur, n’est-ce pas d’être juste ?

Si, et ce n’est pas facile. Car ce que moi je décrète comme étant juste, un autre regard n’aurait peut-être pas le même jugement. Je suis aussi là pour prendre et assumer des responsabilités avec la plus grande honnêteté possible.

Le fait d’être un ancien joueur, formé à Lyon, vous permet-il d’être un meilleur entraîneur dans le contexte lyonnais ?

Ça m’aide. Je ne sais pas si ça me permet d’être meilleur mais, en tout cas, c’est important d’avoir connu cette période [Rémi Garde a joué à l’OL de 1988 à 1993, NdlR] où dans l’équipe la pression était déjà assez forte : souvenez-vous, à l’époque, le slogan c’était “Lyon, ville européenne” (rires). Avec des joueurs venus de l’extérieur à qui on demandait beaucoup et avec qui ça ne se passait pas toujours bien. Ce contexte, je l’ai connu, cela me permet aujourd’hui d’être en phase avec ce qui se passe au club.

Je ne suis pas là pour me construire une carrière”

Après deux ans à la tête de l’équipe professionnelle, quel regard portez-vous sur votre métier ? Vous aviez hésité avant de prendre le poste, correspond-il à vos attentes ?

Je n’avais pas d’attente, je ne cherchais pas à imaginer comment c’était. C’est un métier où les montées d’adrénaline sont très fortes, les vents de face également, il faut donc garder les pieds sur terre et dans toutes les circonstances. Je ne m’analyse pas trop, je ne porte pas trop de regard sur ce que je fais, sur ma personne. J’avance.

©Panoramic

Comment faut-il s’y prendre pour s’imposer avec des joueurs souvent sous influence de leur entourage (familles, agents…) ?

Encore une fois, je crois à deux choses : d’abord aux compétences du technicien, puis à l’honnêteté intellectuelle. Je ne suis pas là pour me construire une carrière mais pour atteindre les objectifs du club et faire progresser les joueurs. Il n’y a pas de méthode. Je ne me dis pas : “Que dois-je faire pour me faire respecter ?” J’ai la chance d’avoir un groupe très sain. Malgré tout, et vous avez raison de le souligner, l’environnement est compliqué dans le milieu du football. Mais le fait que de nombreux joueurs soient formés au club, passent entre les mains d’éducateurs soucieux de leur inculquer les valeurs du club, c’est-à-dire d’être respectueux, humbles, ça aide à fonctionner.

Sauf que, lorsque certains joueurs rejoignent le groupe pro, ils peuvent vite prendre la grosse tête…

C’est vrai, il y a des risques. Souvent, ils sont impatients. Ils marquent quelques buts en CFA (équipe réserve), font quelques apparitions avec le groupe pro et font preuve d’impatience. Je peux le comprendre, mais je n’ai pas de solutions miracles. Je ne pense pas avoir laissé de côté des gens qui étaient meilleurs cette année que ceux qui ont joué. Comme la concurrence est forte, il y a de nombreux jeunes. Ceux qui n’ont pas été conservés par le club font l’objet de nombreuses convoitises. Cela prouve que la formation lyonnaise est de qualité.

“Il n’y a pas de risque pour que L’OL s’entraîne tous les jours à huis clos”

Dans quel domaine avez-vous le sentiment d’avoir progressé ?

J’ai l’impression que d’accumuler les matchs, les problèmes à régler me fait progresser dans la gestion du groupe.

Lorsque vous observez durant les rencontres, vous êtes transcendé par l’enjeu, très chaud bouillant, alors qu’au quotidien vous êtes tout le contraire. Comment expliquez-vous cette différence ?

Parce qu’on se prépare toute la semaine pour 90 minutes. Le match, c’est l’aboutissement de tout. Je dis souvent aux joueurs : il faut bien sûr être rigoureux, travailleur durant la semaine d’entraînement, mais il n’y a qu’un seul but, c’est le match ! Comme vous dites, ça me transcende. Je l’ai encore plus compris et découvert en Angleterre. La semaine, ils ne sont pas toujours très rigoureux, par contre, le samedi à 15 heures, ils donnent tout, il n’y a pas d’excuse. Le match, c’est le moment le plus important.

Cette saison, vous avez planifié des semaines avec plusieurs entraînements à huis clos et cela a provoqué une polémique. En agissant ainsi, n’y a-t-il pas le risque de s’écarter, de se couper de vos supporters…

Je ne suis pas sûr qu’il y a eu une polémique mais ça a fait parler. Je l’ai dit plusieurs fois, mon souhait n’est surtout pas de renfermer l’équipe sur elle-même. C’est un mal dont souffre le football professionnel aujourd’hui. Mais il faut savoir que les joueurs sont très ouverts et sollicités par l’extérieur pour de nombreuses causes, différentes associations. Je les incite à jouer le jeu. Mais il faut comprendre que l’entraînement c’est du sérieux. Malgré l’affection que j’ai pour ce centre d’entraînement, les infrastructures à Tola Vologe ne sont plus adaptées pour accueillir 1 000 personnes au bord d’une main courante. J’aime lorsque mon équipe est proche du public, mais il y a des séances où l’on a besoin de sérénité, de concentration. J’ai besoin de communiquer de manière spontanée avec mes joueurs… Et, lorsque vous vous entraînez, que vous tirez au-dessus de la cage et que vous entendez votre nom – “Untel, la chèvre” –, ce n’est pas possible. C’est comme si une entreprise organisait une réunion de travail en plein milieu de la place Bellecour. Ça serait ingérable ! Il faut juste trouver le juste milieu. Lorsque j’ai instauré des huis clos, c’est que l’équipe était en déficit de confiance, il nous fallait de la sérénité. Je vous rassure, il n’y a pas de risque pour que l’OL s’entraîne tous les jours à huis clos.

Parfois, au cours de la saison, en conférence de presse, on s’est demandé s’il n’y avait pas un peu de paranoïa dans certains de vos propos. N’est-ce pas le risque pour un coach de Ligue 1 de le devenir ?

C’est possible, donnez-moi des exemples.

Lorsque vous avez dit : “On a besoin de rester entre nous”…

Non, ce n’est pas ça. Parfois, il faut donner l’information avant même que l’action se soit déroulée, avant même que le problème soit réglé.

C’est le jeu. Nous sommes dans un football business pleinement assumé ces dernières années…

Non, non, je ne suis pas d’accord. Sinon, c’est la porte ouverte à tout. Je suis désolé mais, lors des conférences de presse, je ne peux pas tout vous dire, parce que les joueurs ne sont pas au courant, parce que le problème n’est pas terminé. Après, vous avez le droit de me trouver parano.

Ce n’est pas ce qu’on a dit. Simplement, de nombreux entraîneurs ont avoué qu’ils l’étaient devenus…

Oui, c’est un risque, bien sûr. Avant de commencer ce métier, on me l’a dit. Je trouve que c’est un peu facile de dire qu’on pourrait devenir parano simplement parce que je ne réponds pas à des questions. Il y a certaines questions auxquelles je ne peux pas répondre.

Êtes-vous un entraîneur qui fonctionne à l’affectif ?

Oui. Je peux procéder ainsi, car il y a beaucoup de joueurs qui sont dans ce mode de fonctionnement. Je sais aussi qu’il a des limites. Il y a des moments où il faut prendre des décisions qui vont contre l’affect.

L’idée, pour la saison prochaine, c’est de toujours miser sur de jeunes joueurs ?

Si on recrute… (rires) Effectivement, rien ne change. Il faut le répéter, l’OL a pris un virage très important, il y a deux ans. On n’est plus dans des mercatos avec des dépenses à 50 millions d’euros. On vise plutôt des joueurs en devenir.

4 commentaires
  1. Avatar
    Ricardo Quaresma - mar 25 Juin 13 à 10 h 09

    Excellente ITW.
    Rémi change de "dimension" j'ai l'impression. Fini le gentil petit novice qui faisait des cadeaux aux dinosaures !

  2. Avatar
    lichalopez - mar 25 Juin 13 à 10 h 25

    Très bonne interview en effet!

  3. Avatar
    OL-38 - mar 25 Juin 13 à 14 h 08

    Oui Trés bonne interview de Remi Garde.

  4. Avatar
    OL-38 - mar 25 Juin 13 à 14 h 08

    On le sent motiver pour la saison à venir.

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