Théo Defourny : "A l'OL, même quand il n'y a pas la réussite sportive, il y a la réussite humaine"

Il a quitté l'OL sur la pointe des pieds, à la fin du dernier mercato estival. En manque de temps de jeu, Théo Defourny (22 ans) a choisi de résilier son contrat pour s'engager avec l'Excelsior Virton en 2e division belge. Le gardien formé à Lyon nous raconte sa nouvelle vie. En gardant toujours, un oeil sur les Gones.

Olympique-et-Lyonnais : Comment avez-vous atterri à Virton ?

Une connaissance d'Anvers, là où j'avais été prêté pendant la saison 2011-2012, m'a dit que Virton cherchait un gardien. Il connaissait ma situation avec ma blessure et ma dernière année de contrat. Il m'a dit qu'il pouvait me proposer un challenge. Il m'a tout expliqué et puis j'ai rencontré le président à Reims. Il m'a détaillé le projet du club, leurs ambitions pour cette année. Et ça m'a plu. C'est un petit club qui a envie de grandir même si on a le plus petit budget de la division... J'avais eu des retours d'amis qui connaissaient le club et qui me disaient que j'allais m'éclater là-bas. Donc j'ai réfléchi et puis à un moment je me suis dit que j'avais trop envie de jouer. Je l'ai fait pour ne pas avoir de regrets plus tard. Et depuis, je n'ai jamais regretté mon choix.

Comment expliquez-vous votre départ de Lyon ? Vous aviez été dans le groupe en début de saison dernière contre Zurich puis Nice...

Ma blessure à l'épaule a coupé ma progression avec tout ce que j'avais pu faire avant. Après deux années de prêts, la saison 2013-2014 commence bien. Puis après c'est plus compliqué, je me blesse. Je rechute, puis je me fais opérer deux fois... Je me suis dit que si c'était pour attendre six mois pour être performant puis laisser les autres prendre de l'avance et ne pas jouer une saison complète, ça ne servait à rien. Autant aller essayer de jouer dans un autre club pour prendre du plaisir. Tout se passe très bien ici, je joue. On était en course pour faire les play-offs mais malheureusement on ne peut pas les faire car on vient d'apprendre que notre stade n'est pas homologué pour la 1ère division... Donc depuis, on a une baisse de régime mais on va finir du mieux possible.

"Passer du top européen à la D2 belge pour s'ouvrir dans la vie d'homme"

Vous êtes arrivé à l'âge de 12 ans à l'OL. C'est dur de quitter son club formateur ?

Il y a des choses qui ne se sont pas passées comme je l'espérais. Mais je ne regrette rien de ce que j'ai fait. Je suis très fier d'avoir fait partie du club. Maintenant, l'histoire continue mais je les suis quand même de là où je suis. Je suis content de voir que d'anciens coéquipiers arrivent à percer.

Ça doit être un choc de passer de l'OL à la 2e division belge, non ?

Bien sûr, il y a de grosses différences. Les salaires, les terrains, le complexe... C'est un autre monde. Les entraînements sont le soir car certains ont un travail à côté. C'est une vie complètement différente pour faire la même chose au final. C'est aussi ça qui est beau, d'être passé du top européen à la D2 belge pour aussi s'ouvrir dans la vie d'homme, de voir un peu la galère. Sur certains terrains d'entraînement, les cailloux ressortent... Mais c'est vraiment sympa à vivre, on a un bon groupe. Je prends du plaisir, on s'amuse bien.

Pouvez-vous dire que c'est "reculer pour mieux sauter" ?

Je vous dirais ça plus tard... J'essaie de faire mon travail ici, après on verra ce que l'avenir va me réserver. J'avais signé un an avec un an en option et ils viennent de lever mon option. On verra ce qui est possible de faire dans le futur avec Virton ou ailleurs.

Avez-vous retrouvez vos sensations personnelles ?

Je sortais d'une longue blessure difficile à gérer. Je me suis arrêté pendant quasiment 8 mois. Donc il fallait retrouver ce que je savais faire, jouer et prendre du plaisir. Maintenant que je joue, je m'éclate. C'est une étape important de venir ici. Je suis très heureux.

"Pour des raisons d'argent, je n'ai pas pu signer à Manchester United"

Racontez-nous cet essai à Manchester United en 2011... Pourquoi ça ne s'est pas fait ?

C'était vraiment énorme. J'avais découvert quelque chose de différent, je m'étais vraiment amusé. C'était la classe mondiale. Il y avait des stars... Ça ne s'est pas fait mais c'était vraiment une belle étape de ma vie de footballeur. J'ai vu Van der Sar, Owen, Pogba, Fabio, Rafael... Ils ne se prenaient pas la tête, je ne m'attendais pas à ça. Pour des raisons d'argent, ça n'a pas pu se faire. Mais bon, l'OL était content, j'avais pu bien représenter le club. Je ne m'attarde pas dessus, la vie continue.

On imagine que vous suivez toujours les résultats de l'OL...

Bien sûr ! Dès que l'OL gagne je peux chambrer et dès qu'il perd je me fais chambrer... Mais je n'ai pas trop à me plaindre (rires).

Êtes-vous surpris de ce que réalise l'équipe ?

Je ne pensais pas qu'ils soient si haut. Je pensais qu'ils pourraient être dans le top 3 ou top 4 mais je ne m'attendais pas à ce qu'ils soient à la lutte pour le titre encore maintenant. Je suis content pour les mecs qui percent alors qu'ils étaient en CFA l'année dernière. Je pense surtout à Nabil Fekir qui a galéré l'année dernière et puis là quand je vois ce qu'il fait ça me fait super plaisir pour lui.

"Nabil Fekir faisait des matches incroyables en CFA. Il était au-dessus du lot"

Quel est le joueur qui vous impressionnait le plus chez les jeunes ?

Sur l'an passé, je dirais Nabil. Franchement, il faisait des matches incroyables en CFA. Il était au-dessus du lot ! Et puis il y a Farès Bahlouli aussi. J'aime beaucoup son style de jeu. J'espère que son heure va arriver vite. Ce sont vraiment les deux mecs que je trouvais quand même au-dessus. Je pense aussi à Labidi, à Jenssen ou Mboumbouni. Ce sont des bons mecs qui arrivent à être bons maintenant.

Faisiez-vous du spécifique avec Alexandre Lacazette aux entraînements ? Comment jugez-vous sa progression ?

On en a fait en début de saison l'année dernière avant ma blessure. On faisait des séances de frappes... Je ne pensais pas qu'Alex allait autant marquer cette année. Il m'impressionne. Il est en pleine confiance quand on voit ce qu'il fait avec l'équipe de France à Saint-Etienne alors que l'atmosphère était hostile... Je dis chapeau les gars. On le chambrait beaucoup quand il n'arrivait pas à marquer à l'entraînement. Cette année, quand il arrive devant le but, il sait qu'il va marquer. C'est son calme qui m'impressionne plus. Avant, il était plus précipité. La confiance fait qu'il avance. Dès qu'il fait quelque chose, il est dangereux. Il porte l'équipe et il s'est pris en main pour dire que maintenant c'est lui le boss de l'équipe.

Vous avez côtoyé Anthony Lopes pendant longtemps, un gardien qui a aussi connu de grosses blessures. Êtes-vous surpris de sa progression ?

Je ne suis pas surpris de ce qu'il fait. C'est un super gardien. Je trouve qu'il mérite ce qu'il lui arrive. Au centre, il était quand même un niveau au-dessus. Je me suis toujours bien entendu avec lui. Quand on était en stage ensemble l'année dernière, on parlait beaucoup. C'est quelqu'un de très sain. Son évolution est impressionnante en à peine deux ans en Ligue 1. Il fait gagner beaucoup de points à l'équipe. Avec ce qu'il a connu, il est allé chercher sa place. Il a toujours eu le mental pour. Je ne me faisais pas trop de soucis pour lui mais je ne pensais pas qu'il arriverait aussi vite à ce niveau-là. C'est un des meilleurs gardiens de Ligue 1, dans le top 2 ou top 3.

"La pièce ne tombe pas du bon côté pour laisser Gourcuff tranquille physiquement"

Vous étiez un proche de Yoann Gourcuff... Trouvez-vous qu'on en fait trop avec lui ?

Il aime tellement le ballon... Sa vie, c'est le foot. Dès que quelque chose ne va pas, il n'est pas bien, ça le perturbe. C'est dommage pour lui, car c'est vraiment un sacré joueur. Quand on voit ce qu'il fait, techniquement, il est au-dessus. La pièce ne tombe pas du bon côté pour le laisser tranquille physiquement... Et puis à chaque fois on lui tombe dessus à cause de l'argent, de l'extra-sportif, c'est ça qui le tue. Ce n'est pas lui qui a dit "Je veux ça". Ce sont les deux parties qui lui ont donné. C'est dommage, car c'est un super joueur.

Peuvent-ils être champions ?

Ah oui. Le clasico de ce week-end va déterminer pas mal de choses. Après il va falloir compenser la blessure de Jallet. Je pense que Mehdi (Zeffane) attend son tour. Il peut être performant. J'espère du fond de moi qu'ils vont être champions. Je serais super content car les 3/4 je les connais pour avoir été formé avec eux. Ça serait une bonne nouvelle pour eux et une fierté pour moi d'avoir été formé avec eux.

On parle beaucoup de la formation à la lyonnaise avec les résultats cette saison, mais l'histoire n'est pas aussi belle pour tous les joueurs. Avez-vous conscience de la chance que vous avez d'être encore dans le foot ?

J'en ai conscience. J'ai beaucoup d'amis qui n'ont pas réussi dans le foot. Un de mes amis proches, Rémi Fregier (formé à l'OL, génération 1992), s'est blessé et après il n'a pas pu revenir. Mais il a quand même eu le bon cheminement dans sa tête. Il a dit qu'il n'arrivait pas revenir à son niveau et il a arrêté pour retourner faire ses études. Aujourd'hui, il a des diplômes. J'ai un autre ami de l'OL, Kevin Libert (génération 1992) qui a réussi à rebondir en Corse par le foot. Finalement, il ne fait plus de foot mais il se plaît là-bas, il a trouvé un travail. Donc même si ça n'a pas marché avec le foot, ça leur a quand même ouvert des portes pour le futur. Même s'il n'y a pas la réussite sportive, il y a la réussite humaine derrière. Et personne ne crache sur le club même ceux qui n'ont pas réussi. Ça prouve qu'il y a quelque chose de sain dans la formation à l'OL.

Crédit photo : Lavenir.net / Lexcel.be