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Gilles Rousset : « A l’OL, j’ai plus progressé en tant qu’homme qu’en tant que joueur » (1/2)

Gardien de l’Olympique lyonnais durant trois saisons puis éducateur au sein de centre de formation puis de l’équipe réserve durant quinze ans, le natif de Hyères a consacré dix-huit ans de sa vie à l’OL. Dans ce premier volet, l’homme de 58 ans évoque ses trois saisons à l’OL en tant que joueur, sa participation à l’Euro 1992 ainsi que sa fin de carrière dans la club écossais d’Heart of Midlothian.

Olympique-et-Lyonnais : Gilles, votre histoire d’amour avec l’Olympique lyonnais a débuté à l’été 1990. Vous signez alors à Lyon en provenance du FC Sochaux-Montbéliard, un club régulièrement mieux placé que l’OL en Division 1. Pourquoi un tel choix ?

Oui, il est indéniable qu’à cette période, Sochaux était au-dessus de l’OL. Nous avions accédé à la première division à la fin de l’exercice 1987-1988 avec notamment, pour les puristes, une belle victoire obtenue à Gerland (1-7). La saison suivante, nous terminons 4e et ensuite 5e. Mais à l’issue de la saison 1989-1990, je me retrouve en fin de contrat. Je devais prolonger dans le Doubs et à la suite d’un imbroglio au niveau de mon contrat, le club et moi finissons par nous fâcher. Le point de non-retour étant atteint, je décide de mettre fin à mon aventure sochalienne. C’est à ce moment-là que l’OL se manifeste et c’est ainsi que je rencontre Raymond Domenech, l’entraîneur de l’époque, ainsi que Bernard Lacombe. Le premier contact est très positif et avec mon agent, Frédéric Dobraje, on rencontre Jean-Michel Aulas. Ce dernier finit par me convaincre de rallier Lyon. Malgré une proposition du Montpellier de Louis Nicollin, je décide de signer à l’Olympique lyonnais.

Quel est le projet du club à cette période sachant de l’OL n’avait retrouvé l’élite du football français qu’une saison auparavant ?

L’OL était un club vraiment ambitieux et c’est ce qui m’a convaincu de signer. On sentait que le président Aulas avait déjà une vraie vision et qu’il savait où il voulait aller et comment. A court terme, l’ambition était de jouer la coupe d’Europe et d’ancrer le club dans cette culture européenne. Ce qui collait parfaitement avec notre sponsor maillot de l’époque qui était « Lyon, ville européenne » (Rires).

Vous arrivez à Lyon avec le statut d’international (1 sélection contre le Koweit), quel est le discours du club à votre égard puisque l’OL possède déjà François Lemasson comme gardien ?

Dès le départ, les choses sont très claires puisque lorsque je rencontre le président Aulas, il me dit que si je signe, je serais le gardien titulaire et que François Lemasson serait amené à partir. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé (François Lemasson a rejoint Caen, ndlr). Ce statut d’international devait aussi me servir à encadrer les jeunes. Même si j’étais loin d’être un vétéran, l’OL avait énormément de jeunes joueurs lyonnais à cette période comme Rémi Garde, Bruno N’Gotty ou encore Bruno Genesio. Le club avait donc fait le choix d’encadrer cette jeunesse avec des joueurs plus expérimentés, venus de l’extérieur, comme Ricardo Cabanas, Aziz Bouderbala et moi-même.

La mayonnaise prend rapidement et l’OL termine cet exercice 1990-1991 à la 5e place de Division 1, avec en prime une place en coupe d’Europe. C’est un premier objectif d’atteint pour le président Aulas. Comment expliquez-vous une telle performance ?

C’est vrai que nous avons fait une bonne saison. Pour l’OL, ce n’était que la confirmation de la précédente, terminée au sixième rang. Dans le football, on le sait, le plus dur est toujours de confirmer. Surtout pour une équipe qui monte. Pour autant, notre saison a été irrégulière. L’équipe étant très jeune et sans doute immature, nous étions vraiment capables du meilleur comme du pire. Mais j’ai encore en mémoire ce dernier match de la saison remporté face à Bordeaux à Gerland grâce à un but d’Aziz Bouderbala. C’était un moment très intense puisque cette victoire permettait au club de retrouver la coupe d’Europe.


« La victoire à Saint Etienne reste mon plus beau souvenir sous le maillot lyonnais »


Quel est votre rôle au sein de ce vestiaire lyonnais composé de nombreux joueurs formés au club et estampillés OL ?

Je n’ai jamais été un gueulard mais partout où je suis passé, j’ai toujours été un leader. Du fait de ma taille, j’avais sans doute un certain charisme (Rires). J’ai toujours cherché à montrer l’exemple. Je pense que j’étais, avant tout, quelqu’un de fédérateur, qui était un vrai relais pour Raymond Domenech. Le fait de venir de l’extérieur n’a jamais été un problème dans ce vestiaire. Il y avait une très bonne ambiance et c’était l’une des clés de notre réussite. Puis, il est primordial que quand tu arrives dans un club, il y ait un maximum de personnes et par conséquent, de joueurs, qui incarnent le club et ses valeurs. C’est important d’intégrer un projet où l’on a un vrai sentiment d’appartenance au club. Cela nous met tout de suite dans le bain et permet de nous intégrer plus facilement. C’est ce qu’il s’est passé. Ma première saison était vraiment très aboutie, en grande partie grâce à mon intégration réussie. J’avais besoin d’être accepté. Je dirais même que j’avais besoin d’être aimé.

Vous évoquiez Raymond Domenech, qui est aujourd’hui l’un des personnages les plus controversés du football français. Quel type d’entraîneur était-il ?

Nous nous sommes rapidement très bien entendus. Une chose est sûre, c’est un entraîneur avec des qualités au-dessus de la moyenne. Après, Raymond est un personnage à part et forcément clivant. Mais on apprend beaucoup à ses côtés. C’est un provocateur qui use de malice et de roublardise pour arriver à ses fins. Il a également un vrai côté manipulateur. Moi qui arrivais de Sochaux, un club qui ne fait pas de vagues, cela m’a fait bizarre au début (Rires). Raymond, il provoquait vraiment tout le monde, que ce soient les adversaires, les arbitres et même ses propres joueurs ! C’est une méthode atypique mais non moins intéressante.

Les références de Raymond Domenech se situent surtout au niveau de l’équipe de France mais on a toujours eu un peu de mal à percevoir son véritable projet de jeu. Quel était le style Domenech à l’OL ?

Raymond nous demandait de pratiquer un jeu basé sur l’attaque en nous projetant rapidement avec nos deux joueurs rapides qu’étaient « Mouche » Bouafia et Aziz Bouderbala. Il était vraiment intransigeant avec nous et exigeait un énorme volume de jeu. Les entraînements étaient basés là-dessus. Il appréciait les joueurs généreux dans l’effort. Pour ma part, j’avais pour consigne d’évoluer assez haut sur le terrain, comme une sorte de libéro bis. Après, à l’époque, le rôle du gardien n’était pas le même qu’aujourd’hui. A l’heure actuelle, le jeu au pied du gardien est primordial pour bien relancer et être une rampe de lancement. Personnellement, j’avais un jeu au pied correct mais sans plus. S’il fallait dégager en touche, je ne me faisais pas prier (Rires).

En plein cœur de cette saison, il y a aussi ce derby remporté à Geoffroy Guichard sur un but contre con camp de Sylvain Kastendeuch le 15 septembre 1990 (victoire 0-1) après un gros match de votre part. Quelles émotions avez-vous ressenti lors de ce match ?

Premièrement, c’était un derby et à l’époque, l’historique des derbys étaient largement en faveur des Stéphanois. Quand je suis arrivé à l’OL, j’ai rapidement été mis au parfum de l’importance de cette rencontre. Surtout que l’on avait énormément de joueurs formés au club. Deuxièmement, on dispute ce match dans un contexte tendu car il y avait déjà eu un derby en match de pré-saison à Feurs qui c’était très mal passé. Un supporter de l’OL était descendu des tribunes pour tacler le Stéphanois David Brockers alors qu’il filait au but. S’en était suivi un imbroglio incroyable ponctué par une bagarre générale. Et ce derby à Saint Etienne n’arrive que deux mois plus tard. Le match est quasiment à sens unique. Saint Etienne nous domine outrageusement et on inscrit le seul but du match sur une demi-occasion. C’est mon plus beau souvenir sous le maillot lyonnais. Il n’y a rien de plus jouissif que de voler quelque chose à son ennemi (Rires). C’était un peu la victoire du pauvre sur le riche.


« La coupe d’Europe est arrivée trop tôt »


Après une saison 1990-1991 ponctuée d’une 5e place synonyme de coupe de l’UEFA, la suivante est, en revanche, beaucoup plus terne puisque l’OL termine à une dangereuse 16e place de Division 1. Comment expliquez-vous une telle différence ?

Je pense honnêtement que la coupe d’Europe est arrivée trop tôt alors que le club avait besoin de grandir encore davantage avant d’atteindre ce statut. En effet, quand tu es européen, la saison suivante, tu as un statut à défendre et tu es davantage attendu. Nous n’étions sans doute pas suffisamment préparés à cela. Après, le fait de jouer la coupe d’Europe a, sans doute, grisé certains joueurs et certains dirigeants du club. Nous avons sans doute vite oublié que même si la saison précédente, le club avait terminé 5e, la saison n’était pas parfaite avec un nombre de points assez faible et un goal-average négatif. Puis soyons honnête, tout le monde a joué en-dessous de sa valeur cette saison-là. Moi le premier.

Au niveau du recrutement, l’OL avait fait le choix de renforcer l’effectif avec des éléments d’expérience comme Alim Ben Mabrouk et Alfonso Fernandez Leal, deux renforts qui se sont finalement avérés en demi-teinte. Cela peut-il aussi être une explication ?

L’idée du club était la bonne car nous avions un manque criant d’expérience donc recruter des joueurs avec un peu de « bouteille » était une vraie nécessité. Le souci est que le courant n’est jamais passé entre Raymond Domenech et Alim Ben Mabrouk, deux personnes au fort tempérament. Ce n’était pas le seul joueur avec qui était en délicatesse avec Raymond puisque Ricardo Cabanas avait pas mal de problèmes avec lui également. Globalement, le discours de Raymond passait moins et cela s’est ressenti sur nos résultats. Mais nos carences étaient sensiblement les mêmes que la saison précédente avec une irrégularité difficilement compréhensible et un manque d’expérience qui nous a vraiment été préjudiciable. On l’a vu en coupe de l’UEFA où nous n’avons pas existé face aux Turcs de Trabzonspor (4-8 sur l’ensemble de la double confrontation, ndlr). Au final, on a fait un championnat anonyme, sans toutefois avoir vraiment eu peur d’être relégué car nous avons toujours été dans le ventre mou.

Malgré une saison plutôt moyenne, vous conservez votre place en équipe de France, ce qui vous permet d’être retenu par Michel Platini pour disputer l’Euro 92 au Danemark. Vous occupez alors le rôle de doublure derrière Bruno Martini. Comment passe-t-on de titulaire indiscutable en club à remplaçant en sélection ?

L’entente avec Bruno était des plus cordiales donc je le vivais très bien. J’étais très fier d’être considéré comme le deuxième gardien français. Cela m’a permis d’ajouter une deuxième sélection à mon compteur avant l’Euro contre l’Angleterre à Wembley, un stade mythique. Nous avions perdu 2-0 ce jour-là (buts d’Alan Shearer et Gary Lineker, ndlr) mais j’avais fait 2-3 arrêts alors Michel Platini était venu vers moi pour me dire que je pouvais être satisfait de mon match. Je lui avais rétorqué que l’on ne pouvait pas être satisfait quand on est perd un match (Rires).

Finalement à l’image de votre saison avec l’OL, la France réalise un Euro assez décevant puisque vous êtes éliminés sans gloire en phase de poule d’un groupe composé de la Suède, l’Angleterre et le Danemark ? Est-ce une vraie déception pour vous ?

Oui c’est une grosse déception mais cette élimination était totalement logique. Dès le début, les signes avant-coureurs n’étaient pas positifs. La préparation avait été très longue. Les joueurs de Marseille et Monaco nous avaient rejoint plus tard puisqu’ils étaient encore en lice en coupe de France puis nous étions aussi marqués par le drame de Furiani ayant eu lieu le 5 mai 1992. Les Marseillais étaient également en pleine crise interne avec Bernard Tapie au sujet de diverses primes. Tout cela a fait que l’ambiance n’était pas géniale dans le groupe. Cerise sur le gâteau, Jean-Pierre Papin se blesse également. Mais malgré tout, après deux nuls contre la Suède et l’Angleterre, il ne nous manquait qu’un match nul face au Danemark pour atteindre les demi-finales. Nous avons finalement été défaits en encaissant un but à 10 minutes de la fin du match. Malgré la déception, cela reste une belle expérience.


« Sur le long terme, le côté provocateur de Domenech devient usant »


Après avoir connu deux saisons diamétralement opposées à l’OL, vous entamez une troisième saison sous le maillot rhodanien avec ambitions. Mais force est de constater que cette saison 1992-1993 ne sera qu’une copie de la précédente. La méthode Domenech avait-elle fait son temps ?

L’objectif de cette nouvelle saison était de redonner à l’OL, un statut et une place un peu plus digne. Mais rapidement, la saison ne se déroule pas comme prévu. Nous ne sommes jamais vraiment en danger de relégation mais notre fin de saison est tellement chaotique que nous terminons à la 14e place. Concernant Raymond Domenech, les joueurs ont beaucoup moins adhéré à sa méthode et à son message. Son côté provocateur c’est bien mais sur le long terme ça use. Tout le monde en avait marre, moi le premier ! Il n’a pas su évoluer et faire évoluer sa méthode. C’est la raison pour laquelle la fin de saison fut compliquée parce qu’il y avait une forme de lassitude. Puis, bon nombre de joueurs en fin de contrat avaient déjà la tête ailleurs.

Après trois saisons sous le maillot lyonnais, vous décidez de quitter le club pour rejoindre l’Olympique de Marseille. Pourquoi ne pas être resté à Lyon ?

Je voulais rester et le club voulait que je prolonge donc tout aurait dû être limpide. Mais quand j’ai reçu l’offre de prolongation du club, je l’ai pris comme un manque de respect. On me proposait une réduction de salaire de 75% ! Qui pourrait accepter une telle offre ? Alors certes, le président Aulas m’avait parlé de primes spéciales sous certaines conditions mais rien de très attractif. L’OL a campé sur ses positions, moi aussi. Je suis donc parti en étant déçu mais en bons termes avec tout le monde. J’ai donc rejoint Marseille à l’instar de Pascal Fugier alors que Manuel Amoros, Abedi Pelé et Pascal Olmeta ont fait le chemin inverse.

Avec une saison pleine et deux saisons en demi-teinte aussi bien sur le plan collectif que personnel, pensez-vous avoir progressé lors de votre passage sous le maillot lyonnais ?

J’ai la certitude d’avoir progressé en tant qu’homme car je me suis marié et j’ai eu un enfant. Mais en tant que joueur, je ne pense pas avoir progressé. J’ai ma part de responsabilité car je n’ai peut-être pas fait ce qu’il fallait pour ça. Mon entraîneur spécifique au poste de gardien était Michel Maillard…un ancien attaquant. Donc même si ma relation avec Michel était très bonne, il ne pouvait rien m’apporter sur le plan technique. J’aurais eu besoin d’un vrai spécialiste du poste pour vraiment passer un cap. Mais humainement parlant, je ne me voyais pas demandé la tête de Michel qui faisait ce qu’il pouvait. Il n’était pas responsable de cette situation.

Après deux saisons quelconques à Marseille et à Rennes vous décidez de rallier l’Ecosse et le club d’Heart of Midlothian basé à Edimbourg. Une destination un peu cocasse mais payante puisque vous allez devenir une vraie légende du club avec 132 matchs disputés en 6 saisons. Que vous évoque cette aventure écossaise ?

Beaucoup d’émotions forcément. Quand j’ai signé là-bas, je ne savais pas trop à quoi m’en tenir mais l’intégration a été très rapide. Les Français sont adorés en Ecosse car comme les Ecossais, nous détestons les Anglais (Rires). J’ai découvert un club familial comme j’avais connu à Sochaux et lors de ma première saison à l’OL. C’était vraiment le football passion. Puis même si les Hearts n’ont pas la notoriété du Celtic ou des Rangers, ce sont quand même le troisième club du pays. Puis les derbys d’Edimbourg face à Hibernian valent largement les OL/Saint Etienne ! Pour le petite histoire, Hibernian jouant en vert, j’ai adoré combattre le vert tout au long de ma carrière (Rires). J’ai passé six ans formidables en Ecosse avec en point d’orgue notre victoire en coupe d’Ecosse en 1998, qui reste le seul gros titre à mon palmarès. Nous avions disposé des Glasgow Rangers en finale (2-1, ndlr)

Retrouvez la seconde partie de l’interview de Gilles Rousset mercredi prochain sur Olympique-et-Lyonnais. Il sera notamment question de ses quinze ans de formateur et d’éducateur au club, d’Anthony Lopes ainsi que de sa perception actuelle du club.

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