Amaury Barlet (@Jessim Ferraro)

OL : son parcours, ses méthodes, ses modèles... A la découverte d'Amaury Barlet

Amaury Barlet a rejoint l'Olympique lyonnais en 2011 comme entraîneur des U12. Désormais à la tête de l'équipe U17, il s'est confié à Olympique-et-lyonnais.com sur ses inspirations footballistiques, sa passion pour le futsal mais également sur sa philosophie de jeu.

Olympique-et-lyonnais.com : Pouvez-vous retracer votre parcours en tant que formateur ?

Amaury Barlet : J’ai eu l’opportunité d’encadrer une équipe de poussins, à la sortie de ma saison de 14 fédéraux au CASCOL (Oullins). J’ai donc débuté l’année de mes 15 ans dans une fonction qui, au fil des semaines, est devenue une passion. Mes journées étaient rythmées : cours de lycée la journée, trois séances d’entrainement avec les enfants puis les entrainements en tant que joueur et les compétitions le week-end. Je ne le savais pas à l’époque mais ces trois années de lycéen ont été un tournant, je préparais des séances et les équipes pendant les heures de cours. C’était devenu envahissant, je ne pensais qu’à cela.

De la génération 89, nous avions une belle équipe et partions régulièrement faire des essais dans divers clubs professionnels pour intégrer leur centre de formation. J’acceptais d’y aller que si je pouvais le faire sans rater de séances en tant qu’éducateur, mes coéquipiers me prenaient pour un fou, c’était l’objectif principal de tous de rejoindre un centre de formation…sauf le mien. Et puis, est arrivé le jour où à 16 ans, après une saison avec les -18 ans du club, nous terminons champions de Rhône-Alpes et obtenons notre ticket pour les barrages aller-retour d’accession en 18 ans nationaux. Qui dit barrages dit mois de juin, qui dit mois de juin dit saison des tournois, et là, j’ai souhaité privilégier les tournois avec les poussins que jouer ces barrages d’accession, c’était inimaginable pour mon coach de l’époque qui a mis une organisation en place pour que je puisse tout de même jouer les deux matchs. Je me souviens qu’on était venu me chercher à Montpellier le dimanche matin pour aller jouer à Martigues le barrage retour l’après-midi. Aujourd’hui, ce sont plus que des anecdotes, ce sont des décisions fortes, des choix peu communs pour un jeune de cet âge.

J’ai donc découvert cette passion et évolué pendant 5 années dans le club formateur du CASCOL (poussins jusqu’aux -15 ans et Sports-études), j’ai pu obtenir le Brevet d’Etat 1re degré, en m’y consacrant entièrement juste après le BAC.

Amaury Barlet lorsqu'il entraînait sous les couleurs du CASCOL.

Sous l’impulsion de Fabrice Somma, le directeur sportif, j’ai ensuite rejoint le Football Club de Limonest Saint-Didier en 2009, dans un rôle totalement différent puisque pendant deux ans j’ai accompagné Yoann Vivier, alors responsable technique du club, dans le projet de développement qui visait à obtenir le Label Ecole de football, à structurer le club et à recréer les catégories de jeunes du club en plus d’une fonction d’éducateur. Une stratégie logique, en lien avec l’arrivée de nouvelles installations sportives et une expérience de 2 ans ponctuée par un sentiment d’inachevé car j’étais totalement impliqué dans le projet mais, en 2011, j’ai dû faire un choix que je ne regrette absolument pas aujourd’hui.

Ce choix était de quitter mon poste à temps plein pour encadrer les U12 de l’Olympique lyonnais, avec Jacques Dedola, un changement de vie car j’ai dû multiplier les petits boulots en intérim en parallèle. J’ai finalement intégré le club à 100% au bout d’un an en étant sur les catégories U12 le soir et U13 l’après-midi. Ce rôle à la préformation a duré 5 ans, on m’a ensuite proposé d’encadrer les U16, pendant deux saisons, puis maintenant les U17 depuis deux ans. Exerçant sur des catégories à 11, j’ai pu postuler à la formation du DES, et l’obtenir en 2019.

Y a-t-il un ou plusieurs entraîneurs qui vous inspirent particulièrement, si oui, lesquels ?

Des inspirations, des idées, des influences, j’en découvre au fil des années et des diverses expériences. Tout d’abord, j’ai beaucoup joué, seulement à un niveau amateur certes, mais j’ai pu côtoyer des coachs qui avaient diverses sensibilités. Certains étaient d’une rigueur extrême, d’autres de vrais meneurs d’hommes ou avaient des facilités pour fédérer, d’autres très pointus sur le plan tactique et tous avaient un point commun, une vraie passion. Le dernier qui m’a encadré était André Damiani, qui était en formation, nous échangions très souvent sur ses séances d’entrainement. Je les vivais en tant que joueur, c’était instructif pour nous deux, il y a toujours des idées à prendre.

Des inspirations, j’en trouve également en regardant les équipes professionnelles, en essayant de comprendre les intentions de jeu mises en place, les rôles des joueurs. Pour ressortir des techniciens, j’aime bien ce qu’inculque Guardiola (Manchester City) comme projet de jeu à ses équipes et plus récemment Arteta (Arsenal). J’aime aussi ce que Simeone (Atlético de Madrid) arrive à tirer de ses joueurs et le 3-5-2 de Conte (Inter Milan). J’essaie depuis quelque temps de m’intéresser aux jeunes coachs allemands qui semblent avoir plein d’idées. Le foot évolue de saison en saison, il faut se mettre à jour quotidiennement.

De plus, l’expérience des techniciens avec lesquels j’exerce au quotidien est forcément une source. Leurs expériences avec les jeunes, leurs expériences de coachs, leurs expériences de joueur en France et à l’étranger, leurs expériences vécues en tant que pensionnaires de centres de formation, ils ont des expériences que je n’ai pas vécu, c’est riche pour moi. Enfin, toujours grâce à l’OL, j’ai eu la chance de participer à de nombreux tournois internationaux. On y découvre des cultures de jeu totalement différentes dont il y a des choses à récupérer pour notre formation.

@Jessim Ferraro
Amaury Barlet souhaite que ses joueurs soient "protagonistes" sur le terrain.

Ambitionnez-vous un jour d'entraîner en sénior, à Lyon ou ailleurs ?

Ma volonté a toujours été d’exercer au sein d’un projet cohérent, soutenu, et riche comme j’ai toujours eu la chance de vivre depuis mes débuts d’éducateur, c’est une vraie chance et il faut en avoir conscience. Lorsque j’étais en fonction à Limonest, je n’aurais jamais imaginé que du jour au lendemain, j’allais encadrer les U12 à l’OL. Lorsque j’étais avec les U12, je n’aurai pas non plus pensé être dans le staff U16 ou U17 quelques années plus tard. L’essentiel pour moi est de trouver un sens dans ce que je fais au quotidien et de me sentir utile, que ce soit avec les plus jeunes ou les moins jeunes et qui plus est aujourd’hui, dans une période inédite et dans laquelle on sait encore moins de quoi demain sera fait. Je continue d’apprendre au quotidien, j’ai besoin de progresser dans beaucoup de domaines et l’évolution du football, de ses environnements, de la société, m’oblige à être en éveil constant pour m’adapter aux contextes. J’espère d’ailleurs retenter ma chance pour entrer en formation à Clairefontaine et continuer à me construire.

Quels sont vos préceptes sur le jeu ?

Être protagonistes, c’est-à-dire que nos joueurs soient capables de prendre le jeu à leur compte, aient la volonté de récupérer le ballon au plus vite s’ils le perdent, et d’identifier comment ils peuvent déséquilibrer et donc ce qu’il va falloir entreprendre collectivement pour le faire. Selon comment réagissent nos adversaires, peut-être qu’on pourra les absorber par possession dans notre camp puis jouer entre les lignes ou dans le dos pour trouver des situations de 5 contre 4, 4 contre 3 et donc, des joueurs lancés. Cela nécessite parfois des prises de risques dans les choix de passes et dans les permutations entre joueurs, mais c’est tellement constructif.  Si l’on trouve des adversaires qui ne veulent pas sortir si haut, dans ce cas-là chercher à combiner dans des petits espaces dans leur camp pour ensuite jouer dans des zones où nous sommes en supériorité numérique ou dans des situations où des joueurs se retrouvent en facilité pour dribbler, percuter.

Pour construire tout cela, il faut travailler sur le développement de l’intelligence de jeu individuelle et collective, le QI foot. Comme on leur dit souvent, si vous portez tous la même paire de lunettes au même moment, c’est que vous comprenez et vous voyez tous la même chose, donc forcément à partir de ce moment cela devient plus facile pour jouer. C’est l'un de nos chevaux de bataille quotidien. Concrètement, avoir des joueurs capables de maîtriser le ballon haut dans le camp adverse, de combiner pour jouer avec l’adversaire dans le but de trouver des joueurs en mouvement pouvant plonger à plusieurs endroits dans le dos, c’est un foot que j’apprécie.

"On doit être protagonistes"

Y a-t-il un schéma de jeu qui ait votre préférence ou préférez-vous changer en fonction des joueurs ou de l’adversaire ?

A partir du moment où on exerce avec des jeunes, qui plus est en formation, je pense qu’il est important de les mettre en situation dans différents systèmes de jeu, dans différents projets de jeu, différentes animations… S’il faut vraiment en ressortir, il y a des systèmes de j’apprécie comme le 1-4-3-2-1 (sapin) que paradoxalement, nous n’avons jamais utilisé, ou ceux avec des défenses à 3 peut-être. Je prêche en revanche pour des systèmes différents lors des attaques placées et des défenses placées et à la limite, ce n’est pas le système de jeu qui est important, c’est la manière dont on parvient à animer les choses.

Quelle stratégie de formation souhaitez-vous mettre en place avec les jeunes de l’OL ?

L'occasion de parler du hors football et d'évoquer peut-être ce que parmi d'autres catégories, nous essayons aussi de mettre en place en U17. Il nous semble indispensable d’essayer d'organiser des actions visant à protéger nos jeunes et à développer chez eux une certaine autonomie pour répondre aux obligations d’un futur métier de footballeur (hygiène de vie, média-training, danger des réseaux sociaux…).

Toujours dans la stratégie de formation et la volonté de les aider à s’inscrire dans le projet du club. Nous essayons de mettre en place des actions visant à fidéliser nos jeunes, à créer des attaches fortes avec le club pour lequel ils évoluent, des attaches avec la ville qu’ils représentent.

Ces aspects-là sont indissociables de leur projet, ils doivent en avoir conscience. Ce travail sur l’individu est important également. On s'aperçoit aujourd'hui qu'ils ont chacun des objectifs individuels très élevés, mais que sans performances collectives, ils ne pourront que partiellement les atteindre voire pas du tout. Il arrive que l’on soit également surpris des différences de maturité ou de motivations au sein d'un même groupe.

A nous, le staff (Philippe Pinson entraineur adjoint, Bastien Angeloz, préparateur athlétique et Maxime Moreau, analyste vidéo), de créer un climat et des conditions dans lesquelles les jeunes sentent qu’ils doivent être exigeant envers eux et engagés, c’est de cette manière qu’ils vont se tirer vers le haut. Essayer de créer, de s’appuyer ou de bonifier des relations très fortes de jeu entre les joueurs. 3 joueurs qui évoluent dans une même zone et qui sont en connexion constante dans le jeu, qui ont des automatismes forts, c’est une plus-value pour toute l’équipe car cette connexion permet de pouvoir jouer avec 4 ou 5 adversaires, ce qui libère des zones où nous sommes en supériorité. Imaginez si on parvient à créer de fortes connexions entre 6, 7, 8 joueurs. Aussi, du côté des attaquants, on trouve de plus en plus de garçons qui veulent le ballon seulement dans les pieds ou qui pensent qu’ils doivent être servis à chaque appel de balle. Ceux qui iront loin sont ceux qui comprendront que 10 appels de balle n’entraînent seulement que 2 ou 3 services, qui comprendront que les appels dans la profondeur permettent d’étirer les lignes adverses et profitent aux copains, ceux qui comprendront qu’en faisant l’appel au premier poteau, j’attire des adversaires qui ne pourront pas défendre si le centre est en retrait.

L’enjeu est de comprendre que lorsque tu fais un appel de balle, c’est pour qu’un des joueurs de ton équipe puisse être trouvé, pas forcément toi. C’est de comprendre que tu ne vas posséder le ballon que 30, 40 secondes dans les pieds pendant un match et que tu dois t’interroger sur ce que tu dois faire lorsque tu ne l’as pas, soit pendant 89 minutes finalement. Pour l’anecdote, on aime bien prendre l'exemple du jeu Fifa, où, en tête-à-tête, à 1-1 à la 90e, on opte tous pour le même choix lorsque qu’un 2 contre 1 se présente avec le gardien. On choisit la certitude, la chose qui nous assurera la victoire, passer le ballon au joueur qui pousse dans le but vide, au final sans savoir quel joueur a marqué. Et force est de constater que lorsque qu’ils arrivent à mettre en place tous les ingrédients nécessaires à cette dynamique positive de manière générale sur le terrain, ils s’éclatent.

"C’est une remise en question quotidienne"

Préférez-vous que l'on vous considère comme un formateur ou un entraîneur ?

Dans le sens où nous sommes dans un rôle et dans une politique de formation, je pense qu’il faut être dans une démarche de développement des jeunes. Notre staff, les techniciens et les différents corps de métiers de l’Academy s’organisent au quotidien pour accompagner tous nos jeunes. Il y a des principes que j’affectionne, évidemment, mais je pense que le rôle de notre staff U17 n’est pas que de transmettre ce que nous aimons, ce que en quoi nous croyons. Il faut être capable au cours de la saison d’aller sur des terrains que nous maitrisons peut-être moins, naviguer sur des systèmes de jeu et des animations qui vont peut-être contre nos principes et ce, à l’entraînement et lors des compétitions, pour confronter nos joueurs à des situations et des problématiques qui peuvent se poser dans le futur. Souvent, nos jeunes se trompent dans le jeu, dans l’entraînement, mais aussi sur le hors foot, leur manière d’aborder un match, de le préparer, de gérer une frustration, une blessure... On leur dit souvent :  « Tu as fait une erreur aujourd’hui, hier, l’objectif maintenant c’est que tu as vécu cette situation et que tu connais la bonne réponse si elle se reproduit plus tard. » Parce qu’au final, il ne faut pas évaluer notre travail quotidien sur l’instant T, sur des résultats dans le championnat U17, mais plutôt dans les 2, 3 ans qui suivent.

Par exemple, si dans un ou deux ans, j’apprends ou je vois que notre ancien latéral droit prend l’eau, en piston, dans un 3-5-2 où le projet est de défendre bas, ou alors, si un remplaçant gère très mal sa frustration, je le prends pour moi, pour notre staff et je m’interroge. Est-ce que lorsque ce jeune était avec nous, nous lui avons fait vivre ces situations ? Est-ce que nous avons créé les conditions et les contextes pour qu’ils vivent ces situations ? Forcément, si nous étions dans un pressing tout terrain pendant toute la saison, la question se pose. Je perçois le cœur de mon métier actuel là-dedans, c’est pour cela que c’est une remise en question quotidienne. Pour moi, l’enjeu de l’apprentissage et notre responsabilité sont là ; agir tous les jours pour faire en sorte que le moment où un jeune peut se retrouver à un tournant de son avenir, il est la réponse qui lui permette de prendre son envol, que cela soit sur ou en dehors du terrain.

@Jessim Ferraro
L'équipe U17 de l'Olympique lyonnais pour la saison 2020-2021.

En tant que formateur, quelle est votre plus grande fierté ?

Je ne sais pas si c’est une fierté mais lors de ces dernières années, j’ai vécu des situations particulières qui m’ont fait un petit quelque chose, des jeunes que j’ai encadrés m’ont contacté pour avoir des conseils car ils souhaitaient devenir éducateurs ou recherchent un stage dans ce domaine, j’ai trouvé que c’était un beau clin d’œil. Un de mes derniers matchs, en août 2018, en tant que joueur était une rencontre de DH entre Limonest et la réserve de Bourg. Ce jour-là, je partageais le couloir gauche avec un jeune que j’avais entrainé à mes débuts au CASCOL (Oullins), et face à nous, se trouvaient trois jeunes de la génération 2000 que j’avais eu la chance d’encadrer à l’OL. J’ai pris, à 28 ans, un vrai coup de vieux. De bons joueurs en plus d’être de supers gars. J’essaie d’ailleurs de rester attentif aux parcours sportifs de tous ces joueurs que l’on a côtoyés. Certains viennent aussi aux conseils lorsqu’ils souhaitent rebondir dans la région ou ailleurs. Après forcément, voir des garçons que l’on a croisés dans leur cursus de formation atteindre le haut niveau ne laisse pas insensible. Il faut aussi être lucide et ne pas oublier que la majorité ne vivront pas du football professionnel. J’espère forcément tous les voir réussir dans leur vie d’homme. Je n’ai pas encore le recul nécessaire puisque la première génération que j’ai encadrée a à peine 20 ans (génération 2000).

"Il faut être dans une démarche de développement des jeunes"

Pouvez-vous nous décrire vos méthodes d’entraînement ?

Nos méthodes d’entrainement évoluent de saison en saison. Nous construisons et animons les séances tous les jours en essayant d’optimiser au mieux les différents outils vidéo et les outils modernisant visant la performance à disposition. On s’appuie également sur les différentes cellules de l’Academy (méthodologie, mentale, athlétique, médicale…) qui nous accompagnent et interviennent sur des points précis, individuels ou collectifs. Je ne sais pas si c’est l’âge qui veut cela, les générations, les environnements ou le contexte qui évoluent, en tout cas, nous nous rendons compte au quotidien de l’importance de la dominante mentale. Ne s’entraîner qu’au football ne suffit pas forcément, nous avons d’autres temps de travail, hors terrain.

Quelles sont vos ambitions sportives pour cette saison 2020-2021 ?

Elles sont ce qu’elles ont toujours été sur cette catégorie. A l’Olympique lyonnais et sur un championnat à même année d’âge, je pense que l’on se doit d’être compétitif et en capacité de jouer la première place du groupe. Il faut en tout cas habituer nos jeunes à avoir cette exigence-là, viser l’excellence et la performance. Des performances de résultats auxquelles on se doit de ne pas omettre le contenu collectif et individuel aussi bien sur le plan du jeu que sur l’aspect mental pour y arriver.

Votre équipe est réputée pour pratiquer un football plaisant à regarder, est-ce une satisfaction ou cela passe au second plan derrière le résultat ?  

Qu’est-ce qu’un football plaisant à regarder ? Chacun à sa propre représentation. Je pense qu’on ne s’ennuie pas souvent lorsque l’on voit les équipes de jeunes du club, ce sont souvent des matchs spectaculaires. Aujourd’hui, le constat que nous faisons avec notre staff, c’est qu’en U17, on nous laisse très souvent le ballon et que par conséquent, il faut que l’on trouve des stratégies sur les attaques placées pour déséquilibrer l’adversaire et marquer, avec plus ou moins de réussite. On se découvre aussi énormément donc on concède des occasions, des buts… Plus on se rapproche du football d'adulte, plus nous jouons jeune par rapport à notre adversaire et plus les problématiques de jeu sont complexes.

La satisfaction totale est présente si toutes les vertus mentales ont été affichées, si la prestation collective a été cohérente et si le résultat est présent. S’il manque une de ces choses, notre exigence, en lien avec notre championnat à même année d’âge, fait que nous ne serons pas satisfaits et il faut l’assumer. Nous avons vu certains après-matchs de succès au tableau d’affichage sans chant de la victoire, parfois car des joueurs n’étaient pas satisfaits de leur prestation individuelle et nous luttons contre ça, mais parfois car les jeunes ont conscience de ne pas avoir rendu une copie collective propre, et là, ne pas chanter nous dérange moins, et là encore, nous l’assumons. On dit très souvent que l’on apprend peu par la victoire mais beaucoup par la défaite, personnellement je ne suis pas d’accord.

Nous mettons également un point d’honneur à faire en sorte que nos jeunes apprennent aussi de la victoire, qu’ils aient conscience et comprennent comment ils ont obtenu ce succès. Est-ce qu’ils se sont imposés grâce à une prestation collective claire ? Est-ce qu’ils se sont imposés « au talent », grâce à un exploit individuel ? Est-ce qu’ils ont gagné en concrétisant des actions improbables qui seraient vouer à l’échec face à un rapport d’opposition supérieur ? Est-ce qu’ils ont évité de concéder des buts malgré de grossières erreurs qu’ils ont réussi à rattraper car ils courent plus vite que leurs vis-à-vis ? Ce sont des questions que notre staff et les joueurs doivent se poser à la fin de chaque rencontre. Si tout va bien car il y a 3 points à la fin de chaque rencontres, on fonce tous dans le mur, on s’enfonce dans un mensonge vis-à-vis des jeunes et ils tombent de haut ensuite sur les catégories du dessus. Sans cette prise de conscience, l’apprentissage est plus difficile. A contrario, le résultat n’est parfois pas au rendez-vous alors que tout est entrepris pour. Cela peut être vécu comme une injustice pour eux et dans ce cas-là, il faut aussi être capable de prendre le recul nécessaire, ressortir les bons ingrédients et accepter une injustice.

Le niveau en U17 a-t-il progressé ces dernières années ?

C’est seulement ma seconde saison sur ce championnat U17 et la saison 2019-2020 a été tronquée. Je pense manquer de recul et de légitimité pour affirmer qu’il a progressé ou non. En revanche, je pense qu’il évolue pour plusieurs raisons en lien avec les contextes dans lesquels exercent les clubs qui y participent.

Aujourd’hui, il me semble qu’en plus de progresser au quotidien dans leur structuration, les clubs « amateurs » font souvent de leurs équipes nationales, en l’occurrence ici U17, une formation « vitrine » du club. Une équipe autour de laquelle l’engouement et l’attractivité sont souvent très forts et où le travail (organisation, recrutement…) est conséquent pour pouvoir répondre à leurs objectifs. La réforme des championnats votée chez les jeunes permet maintenant de récompenser une génération championne dans son championnat U16 en lui permettant d’évoluer la saison d’après en U17 National. Cette réforme va, je pense, permettre d’avoir des poules de plus en plus homogènes où les relégables seront moins décrochés et où les leaders auront moins d’avance. En échangeant avec les coachs, on se rend compte que ce sont souvent des équipes composées de joueurs âgés avec peu de changement de week-end en week-end.

Les U13 de l'OL au tournoi international d'Onet-le-Château en 2016. On y retrouve notamment Rayan Cherki, Malo Gusto, Florent Da Silva, Samuel Bossiwa ou encore Gaël Nsombi.

Du côté des structures professionnelles, les politiques et stratégies divergent, et le championnat U17 semble plutôt être utilisé comme une compétition parmi d’autres dans un objectif de formation. Les règlements des centres de formation ont, me semble-t-il, évolué récemment et leurs effectifs ont dû être diminués et/ou limités. Ajouté à cela, en lien avec le contexte actuel, les équipes professionnelles semblent devoir compléter leurs effectifs avec des jeunes. Ces diverses politiques, stratégies, causes, font qu’il n’est pas rare de voir des centres de formation évoluer en U17 Nationaux avec beaucoup d’U16 voir quelques U15. Il n’est pas rare aussi de voir des résultats parfois surprenants ou qui n’ont aucun sens d’un week-end à l’autre ou des équipes chamboulées d'un week-end à l’autre. Ces conséquences sont parfois associées à un week-end de Coupe de France, compétition à laquelle les réserves professionnelles ne participent pas. A titre personnel, c’est une donnée que j’ai apprise et comprise au fil des mois et qu’il m’est devenu indispensable de ne pas omettre dans une analyse d’après-match.

D'où vient votre appétence pour le futsal ?

J’ai découvert le « vrai » futsal à 16, 17 ans alors que je pensais qu’il se jouait encore avec un ballon feutrine et que son seul plaisir était d’attendre que la balle rebondisse pour mettre la demi-volée, comme quand j’étais gamin. Et en fait pas du tout. Je jouais au CASCOL, j’étais le plus jeune de l’équipe et les grands voulaient que je les rejoigne au Moulin à Vent en double-licence. C’était un des deux clubs de Lyon qui jouait en championnat de France de D1. Ça devait être en 2006 ou 2007, mais je ne voulais pas en entendre parler car je n'avais pas l’âge pour avoir le permis et pas le temps pour m’entraîner. Par contre, j’ai commencé à m’y intéresser, mes meilleurs amis de Sainte-Foy-lès-Lyon aussi. Ils ne rataient pas une rencontre au gymnase Chanfray de Perrache, je les rejoignais en cours de match lorsqu’il restait de la place dans les tribunes. Lyon Footzik (lire notre article daté de 2013) et Moulin à Vent jouaient là-bas et possédaient beaucoup de joueurs locaux dans leur effectif, en face, il y avait souvent des étrangers, des Brésiliens, des Espagnols, c’était attractif, plaisant. En 2010 avec mes potes, on franchit le pas, on monte notre propre club, Rafaël Saadi, Nicolas Karilaos, Benoît Lacazette nous ont inspiré et je pense qu’ils en ont inspiré beaucoup dans le département. Le déclic arrive, je m’intéresse à ce sport plus précisément, je me documente sur ce qu’il se fait à l’étranger et surtout, je le pratique.

En pratiquant : les règles, le ballon (qui a changé et qui justement ne rebondit pas), les situations et problématiques de jeu, l’atmosphère autour des matchs me font prendre conscience de la richesse du truc. Pendant 10 ans, je joue sous le statut double-licence (foot/futsal), je me forme à la FFF, je rencontre et j’échange avec des personnes qui sont aux prémices de la pratique en France, je fais des recherches. En creusant, on se rend compte que de nombreux joueurs étrangers sont passés par la pratique, voir n’ont pratiqué que celle-ci pendant des années avant même de mettre les crampons. Ainsi, on tire des enseignements, on fait des constats. J’ai l’immense regret aujourd’hui, de ne pas avoir eu la curiosité de m’ouvrir à la discipline plus tôt. Je m’y intéresse depuis plus d’une décennie déjà mais il faut être objectif et affirmer qu’au final ce n’est rien, je n’y connais pas encore grand-chose si je compare aux Italiens, Espagnols ou Portugais…

"La pratique du futsal permet de développer des aptitudes mentales, tactiques, techniques et athlétiques"

Comment cette discipline peut aider le jeune footballeur à se développer ?

Justement, c’est là où le sujet me semble très intéressant. J’ai des idées sur la pratique. Aujourd’hui, je pense qu’elle est un excellent outil d’évaluation pour détecter les jeunes joueurs et ce pour plusieurs raisons. Plus jeune, j’essayais d’aller observer des tournois de futsal organisés par les clubs amateurs mais par contre, uniquement l’après-midi. Pourquoi l’après-midi ? Parce que le contexte autour des affiches est différent, c’est le moment où se déroule les phases finales et les matchs à élimination directe. L’atmosphère autour des rencontres est pesante pour les enfants, il y a du stress, de l’excitation, et de multiples émotions en lien avec le scénario des matchs. J’aime bien dire que dans un gymnase, les émotions se multiplient car tout peut basculer d’un moment à l’autre, les petits sont souvent très contents dans la gagne et très triste dans la défaite. Ces émotions qui se multiplient, c’est tellement difficile de les maîtriser, parfois même impossible. Les jeunes qui ont du caractère, de la personnalité, du leadership, qui sont compétiteurs émergent, pas toujours de la meilleure des manières c’est vrai, mais en tout cas, je trouve que l’on perçoit plus facilement ceux qui sont animés par la compétition, on ne doit pas être insensible à cela.

Et dans cette pratique où le facteur mental-émotionnel est indissociable de la performance, les aptitudes techniques et tactiques ressortent lorsqu’il est maitrisé. L’intensité du jeu en lien avec le sol lisse, le ballon qui reste au sol et l’impossibilité de relancer le jeu après 4 secondes (touches, corners, coups francs..) oblige les joueurs à faire des choix de jeu à vive allure. La capacité à prendre très rapidement des décisions sur le plan technique, sur les choix de placements, de déplacements, de courses dans les espaces ne peut être qu’un atout pour un joueur de football. Par exemple, au futsal, les situations où le joueur est susceptible de se trouver enfermé sur son mauvais pied entre les lignes de terrain et/ou l’adversaire sont incalculables. Comment réagit-il sous cette pression ? Est-ce qu’il perd le ballon ? Est-ce que le ballon est contré ? Est-ce qu’il va s’entêter à vouloir jouer de son bon pied ? Est-ce qu’il va parvenir à protéger son ballon ? Obtenir une balle arrêtée ? Ou alors est-ce qu’il va jouer avec son mauvais pied ou utiliser le pointu pour ressortir avec un coéquipier ? Comment va-t-il répondre lorsque la situation s’apprête à se reproduire de nouveau 20 secondes après ? Ce sont des situations terribles à vivre pour un joueur de football mais aussi pour ses coéquipiers et être en échec met en confiance l’adversaire. Cette problématique de jeu met parfois en évidence une difficulté à répondre à la vitesse du jeu, à la pression mise par l’adversaire, des difficultés à s’informer, à décider, à anticiper.

Pour Amaury Barlet, le futsal est "un complément pertinent" au football.

Au futsal, on ne vit que des situations de jeu comme celle-ci, des moments dans lesquels ne pas être en éveil constant, connecté au jeu est impossible pour exister. Toujours sur le plan tactique, on se rend compte qu’il est facile de mettre en place, car les joueurs sont moins nombreux, des plans de jeu, presser, attendre l’adversaire. J’aime bien associer ce qu’il se passe dans les 20 derniers mètres au football, dans la densité, à ce qu’il se passe au futsal. Il faut faire preuve de spontanéité, dévier, remiser, feinter ou laisser passer le ballon. S’il est impossible de frapper en une touche, être capable d’utiliser la semelle pour enchaîner et gagner un ou deux appuis en moins avant de frapper est bénéfique, c’est factuel. Parfaitement maîtrisée, la prise de balle de la semelle utilisée au bon moment est un gain de temps important. Quant au pointu, pendant qu’un attaquant cherche la position idéale et son bon pied pour tirer et qu’il tergiverse, perd le ballon ou est contré, le buteur a déjà marqué avec le pointu de son mauvais pied.

Enfin, la pratique a le mérite également de rabattre les cartes sur l’aspect athlétique. Là où des qualités de puissance et de vitesse peuvent parfois suffire dans le football de jeunes pour performer, le futsal peut permettre de développer la qualité des appuis à travers le changement de direction, et donc les aptitudes motrices, de coordination et par conséquent, l’agilité. Les jeunes qui ont de l’agilité peuvent souvent exister plus facilement au futsal que les jeunes très puissants. C’est peut-être pour cela qu’aujourd’hui dans le monde amateur, on retrouve facilement des jeunes « en retard de croissance » évoluer dans la pratique futsal en parallèle du football. Ils sont parfois plus en confiance au futsal car plus en réussite et, du coup, joue beaucoup plus. Aussi, Il est de moins en moins surprenant de voir ce qu’ils sont « finalement » capable de faire lorsqu’ils arrivent dans le football d’adulte et au terme de leur croissance.

Pour résumer, je pense que la pratique du futsal dans un cursus de formation peut permettre de développer des aptitudes mentales, tactiques, techniques et athlétiques qui ne peuvent qu’enrichir le bagage construit au foot. Cela me semble être un complément pertinent qui rentre en plus, en adéquation avec les modifications sociétales et la disparition progressive du foot de rue ou du foot à l’école. Est-ce que la pratique du football de rue n’est finalement pas quelque chose que les clubs doivent intégrer dans leur contenu ? Je n’ai pas la réponse. En tout cas, on peut voir de plus en plus de clubs amateurs proposer la pratique futsal ou créer des partenariats avec des clubs spécifiques car la problématique des installations sportives se posent forcément. Au final, le futsal n’est peut-être rien d’autre que du foot de rue, du city ?

Selon-vous, quelle est la principale force de l’OL en termes de formation ? 

Ressortir une force principale est compliqué dans le sens où le processus de formation me paraît riche et long. De plus, n’ayant connu que l’intérieur de l’OL comme structure professionnelle ne me permet pas de comparer avec d’autres structures. En tout cas, après ces années passées à l’Académy et ce que j’en ai observé de l’extérieur depuis tout jeune, je peux ressortir certains points qui me semblent être de vrais atouts, des atouts historiques et qui font partis de l’ADN du club.

Le travail minutieux, depuis toujours, de détection, d’observation, de recrutement réalisé par la cellule de recrutement en lien avec les différentes autres cellules du club me semble être un enjeu prioritaire dans lequel l'Olympique lyonnais a toujours été historiquement performant. Se positionner sur des jeunes joueurs qui sont performants à l’instant T peut paraître simple, mais l’enjeu est de se positionner sur des jeunes joueurs à potentiel, capables de progresser et d’émerger à l’OL et dans son contexte, avec lesquels on sait que l’on aura une stratégie pour les accompagner. Pour qu’il y ait le moins d’échec possible, il faut de l’expérience, de la patience, connaître les environnements dans lesquels le jeune va grandir, c’est un vrai métier, notre cellule possède ces atouts.

Nous avons une « feuille de route Academy » qui repose sur 3 piliers. Des principes immuables depuis longtemps. L’ADN OL, associé à des évolutions méthodologiques sur le jeu et un plan de recherche pour continuer à innover et être performant dans les apprentissages et l’accompagnement que nous pouvons proposer. Chaque staff dispose d’outils et crée en fonction de la « feuille de route », de ses convictions et des caractéristiques de sa génération, un plan de formation pour permettre à chaque jeune de progresser et de s’épanouir au sein du club. La notion de liberté pour s’exprimer, d’expérimentation, d’adaptabilité et de créativité est importante pour les joueurs et pour les staffs dans leurs actions quotidiennes. On tente des choses, on essaie de prendre des temps d’avance et si on y parvient, on essaie de les conserver. Avoir cette organisation et cet état d’esprit ne peut qu’être une force pour la structure.

Propos recueillis par Gwendal Chabas avec Razik Brikh (relecture).

2 commentaires
  1. Avatar
    JMX1903 - mer 4 Nov 20 à 16 h 57

    Et bien je viens de prendre l'abonnement juste pour l'article je le regrette pas.
    Super article qui parle foot. Très interessant! Il est passionnant cet Amaury Barlet.

  2. Avatar
    Razik Brikh - mer 4 Nov 20 à 19 h 16

    Merci beaucoup 😉

    Cela nous motive à vous proposer d'autres interviews et reportages.

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